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Bowling for Trump : La NRA et les jeux vidéo

Depuis la tuerie dans un lycée de Parkland en Floride, qui rappelons-le a fait pas moins de 17 morts le 14 février dernier, chacun est allé de son propre commentaire sur internet. Face à l’horreur de cette nouvelle tuerie de masse dans une école aux pays de l’Oncle Sam, la culture des armes fait une nouvelle fois débat. Les États-Unis se retrouvent une nouvelle fois divisés : Les pros et les anti-armes à feu avec l’éveil de la génération anti-armes et un mouvement de lycéens contre la NRA et Donald Trump.

Deux vidéos illustrent ce qui se passe actuellement aux États-Unis.

La première, le discours d’Emma González. La rescapée du lycée Marjory Stoneman Douglas est devenue le symbole de la lutte contre les liens entre le monde politique et la NRA. Dans un discours qui a fait le tour du monde, Emma Gonsalez déclare « A tous les hommes politiques ayant reçu des dons de la NRA, Honte à vous. Si [Donald Trump] me dit en face que c’était une terrible tragédie (…) et qu’on ne peut rien y faire, je lui demanderai combien il a touché de la National Rifle Association. Je le sais: 30 millions de dollars« . Aujourd’hui, Emma González, 18 ans, compte plus de followers avec son compte @Emma4Change que le puissant lobby pro-armes, la NRA.

La seconde vidéo est celle d’une jeune Américaine, Presley, qui pleure de joie lorsqu’elle découvre son cadeau d’anniversaire, un Beretta 686.

 

Le 18ème massacre de l’année aux États-Unis a ému toute l’Amérique et le monde entier. Si tout le monde pointe naturellement la vente libre d’armes à feu aux États-Unis et la NRA, le bouc émissaire de la Maison Blanche n’est autre que les jeux vidéo. En effet, Donald Trump et son entourage doivent agir face à la colère des Américains. Toutefois, il est hors de question de toucher la puissante NRA proche de Donald Trump et de plusieurs politiques. Dans un déni total (ou pas) Donald Trump accuse les jeux vidéo d’influencer en mal les jeunes. Le président des Etats-Unis déclare : « J’entends de plus en plus de gens dire que le niveau de violence dans les jeux vidéo façonne les pensées des jeunes.« 

Le 8 mars dernier, Donald Trump a organisé une réunion (d’une heure seulement) avec ceux qui font l’industrie du jeu vidéo. L’idée était de discuter de l’impact des jeux vidéo sur la jeunesse, en une heure seulement. Jake Tapper, journaliste de CNN, a donné la liste des personnes présentes :

– Du côté des membres du Congrès nous avions, le sénateur Marco Rubio, la représentante Vicky Hartzler et la représentante Martha Roby.

– Du côté des participants externes, il y avait : Strauss Zelnick (Take-Two Interactive), Brent Bozell (Media Research Center), le Lieutenant Colonel Dave Grossman (auteur d’un livre expliquant que les jeux entraînent les tueurs), Pat Vance (président de l’ESRB), Mike Gallagher (président de l’ESA), Robert Altman (Zenimax, maison-mère de Bethesda) et Melissa Henson (groupe de défense Parents Television Council).

L’*ESA rapporte que la Maison Blanche a diffusé durant cette table ronde une vidéo de 88 secondes. Il s’agit d’un montage de séquences violentes de jeux vidéo classés M aux États-Unis, notre équivalent du PEGI 18+. Nous avons un montage qui pendant 88 secondes nous montre des scènes d’exécutions des jeux Fallout 4, Wolfenstein, The Evil Within ou encore Call of Duty Modern Warfare 2. Soit des séquences qui proviennent de jeux vidéo destinés à un public adulte. Des séquences maintenant disponibles pour tous les publics sur Youtube grâce à l’équipe de Donald Trump

Suite à la diffusion de la vidéo montage de la Maison Blanche, l’association Games for Change a publié une vidéo le 12 mars 2018. D’une durée de 88 secondes, tout comme le montage de la Maison Blanche, la vidéo de Games for Change montre que le jeu vidéo c’est aussi des découvertes, des voyages bref que le jeu vidéo ne se résume pas à du Call of Duty, mais qu’il y a de belles expériences.


*L’Entertainment Software Association (ESA) – l’association du logiciel de divertissement – a qui nous devons l’organisation de la grand messe annuelle du jeu vidéo, l’Electronic Entertainment Expo (E3). Parmi les membres cette association, nous retrouvons les constructeurs Nintendo, Sony et Microsoft ainsi qu’Activision/Blizzard, Bandai Namco, Bethesda, Ubisoft, Take-Two Interactive ou encore Warner Bros., Capcom et THQ Nordic.


Vous l’avez compris, si Donald Trump avait l’occasion de faire la différence, il reste sur la même ligne que ses prédécesseurs. Au lieu de s’attaquer véritablement à la NRA sans conteste le véritable responsable – on voit déjà venir le troll avec son commentaire « le responsable c’est celui qui appuie sur la gâchette » et on lui répond « si seulement c’était aussi simple » – la maison blanche joue la carte de l’hypocrisie et s’attaque à la première industrie culturelle, le jeu vidéo, qui est réduite à Call of Duty. Le contexte actuel aux États-Unis nous rappelle la période post- Columbine en 1999.

Afin de comprendre ce contexte, je vous propose de revenir quelques années en arrière avec une analyse du documentaire de Michael Moore, Bowling for Columbine. Plus exactement, il s’agit de l’analyse de la rencontre entre Michael Moore et l’artiste Marilyn Manson. En effet, cette interview du chanteur par Michael Moore m’a profondément marqué a sa sortie en 2002. A cette époque il y avait un réel décalage entre ce que nous « vendaient » les médias sur le chanteur et la lucidité de ce dernier. Vous allez voir que les propos de Marilyn Manson n’ont jamais autant été d’actualité. Pour être dans la transparence, cette analyse (revisitée) est issue d’une étude de cas réalisée en 2013 dans le cadre de mon parcours universitaire.

 

Bowling for Columbine

Dans Bowling for Columbine, le réalisateur Michael Moore fait le constat que les Américains aiment les armes et qu’elles font partie de la culture américaine. Moore montre ensuite que les détenteurs d’armes à feu sont de toutes sortes : de simples particuliers, des adolescents déboussolés, des personnes potentiellement dangereuses… Mais l’État détient aussi des armes, des armes de guerre, ce qui amène Michael Moore à se demander s’il y a un lien entre la violence exercée par l’État, les guerres menées par les États-Unis, et la violence individuelle ? Depuis la tuerie du lycée de Columbine en 1999, « on se demande pourquoi les enfants et les adolescents sont violents ».

Les médias pointent la violence à la TV, dans les jeux vidéo, dans les chansons de Marilyn Manson ou du rappeur Eminem. Mais dans d’autres pays, cette violence est aussi à la portée des enfants, mais il y a moins de violence dans les actes. Le réalisateur pose donc la question suivante :

Pourquoi le nombre d’homicides par arme à feu est-il proportionnellement plus élevé aux États-Unis que dans les autres pays ?

L’hypothèse que soutient Michael Moore est la suivante : c’est la culture de la peur dans le contexte de l’après 11 septembre 2001, qui est entretenue par les médias qui fait la différence entre les États-Unis et les autres pays. Et cette peur fait marcher le commerce.


Note : Une petite explication sur le titre du documentaire, Bowling for Columbine. il s’agit d’une référence à la dernière phrase prononcée par le réalisateur Michael Moore à la fin de son film documentaire. L’auteur précise que les deux auteurs du massacre de Columbine ont joué au bowling avec des camarades de classe de 2h à 6h du matin, soit la veille de leur opération. Aussi, le bowling consite a faire viser des quilles avec une boule pour les faire tomber. Les quilles peuvent être associées aux élèves tués de Columbine. Quant à la boule, elle symbolise les armes. Sur une affiche du documentaire, Michael Moore tient notre planète comme un boule de Bowling.


La base du documentaire est l’événement tragique survenu au lycée de Columbine près de la ville de Littleton dans l’État du Colorado en 1999. Cet évènement n’est qu’un alibi pour Michael Moore. Il aurait pu prendre n’importe quelle tuerie. Mais ce choix n’est pourtant pas anodin : des adolescents tuant d’autres jeunes dans un établissement scolaire est bien plus édifiant qu’un aliéné tirant dans une quelconque foule. La séquence sélectionnée pour notre analyse est l’interview surprenante du célèbre chanteur controversé Marilyn Manson. Le cinéaste rencontre le chanteur suite aux manifestations des associations religieuses à Denver, afin d’empêcher le groupe de se produire sur scène. Les mouvements religieux et politiques, lui reprochent de pousser la jeunesse à la violence et la perversion, notamment après le massacre de Columbine.

Brian Warner le 5 janvier 1969, le chanteur est un ami proche de l’acteur Johnny Depp et du rappeur Eminem. Son nom de scène est composé des noms de l’actrice Marilyn Monroe et du tueur en série Charles Manson. Le choix de ce pseudo est une volonté de l’artiste de montrer comment deux personnes que tout oppose ont eu la même représentation médiatique. Manson utilise la provocation et le blasphème dans une grande partie de ses albums et lors de ses concerts. Si de nombreuse rumeur ont circulé à son sujet, sa musique et son attitude lui valent beaucoup d’ennuis avec des mouvements religieux et politiques qui lui reprochent de pousser la jeunesse à la violence et à la perversion, et notamment après le massacre de Columbine.


Eminem et Marilyn Manson interprètent ensemble le titre « The Way I am » en 2000. Le rappeur dénonce les parents qui utilisent des personnages tels que Marilyn Manson et Eminem comme bouc-émissaires pour ne pas avoir à assumer leurs responsabilités, dans la mauvaise éducation de leurs enfants. La chanson fait notamment référence à la fusillade de Columbine du 20 avril 1999 dans l’État du Colorado.


La fusillade de Columbine

La Fusillade de Columbine figure parmi les dix fusillades les plus meurtrières de l’histoire des États-Unis. Le drame a eu lieu le 20 avril 1999 dans une école de Columbine à Littleton, une petite ville du Colorado aux États-Unis. Les auteurs sont deux lycéens âgés de 17ans, Dylan Klebold et Eric Harris. Leur folie meurtrière entraine la mort de 12 Lycéens, d’un enseignant et dénombre 23 personnes blessés. La fusillade prend fin avec le suicide des deux tueurs.

Le drame traumatise l’Amérique toute entière, elle engendre plusieurs débats aux États-Unis. L’hypocrisie américaine est une fois de plus sur le devant de la scène. Si l’accès aux armes est bien évidemment l’origine du problème, les politiques et les associations parlent de l’influence néfaste des jeux vidéo, de la musique et des films considérés comme violents aux États-Unis.

Politiciens et association religieuse font de l’artiste de rock ‘n roll Marilyn Manson leur principal bouc émissaire. Selon eux, le chanteur a influencé le comportement de Dylan Klebold et Eric Harris, qui avaient dans leur discographie, des albums du chanteur.

Le drame a aussi relancé la polémique sur le contrôle des armes à feu et la disponibilité de ces armes. Plusieurs lois ont interdit la possession d’armes aux criminels et aux mineures à travers le pays. Mais, sans oublié que le droit de posséder une arme à feu reste garanti aux États-Unis par le deuxième amendement de la Constitution.

L’échange entre Michael Moore et Marilyn Manson :

Manson : « Quand j’étais ados on s’évadait dans la musique. C’était la seule chose qui ne portait pas de jugement. Un disque ne vous engueule pas sur votre façon de vous habiller. C’est réconfortant. Je comprends parfaitement pourquoi on s’en prend à moi. Parce que c’est facile de me montrer à la télévision, parce que je suis un symbole de la peur, parce que je représente ce que le monde redoute, parce que je fais et je dis ce que je veux. Les deux thèmes soulevaient par cette tragédie ont été la violence dans la culture populaire et le contrôle des armes. Et ça tombé à pique que ces deux sujets ressurgissent juste avant l’élection. On oubliait Monica Lewinsky, on oubliait que le Président balançait des bombes à l’étranger, mais c’est moi qui suit le méchant, parce que je chante du Rock’N’Roll. Qui a le plus d’influence, le Président ou moi ? J’aimerais dire que c’est moi, mais c’est le Président. »

Moore : « Vous savez que c’est le jour de la tuerie que les États-Unis ont lâché le plus de Bombes au Kosovo ? »

Manson : « Je sais et je trouve invraisemblable que l’on est jamais dit que le Président avait pu influencer ce comportement violent. Mais les médias veulent construire de la peur et ils ne peuvent pas avec ça. Quand vous regardez la télé, les journaux télévisés, on vous gave de peur. Les inondations, le SIDA, le meurtre, puis envoie la publicité, achetez Acura, achetez Colgate, si tu as mauvaise halaine on ne te parle pas, si tu as de l’acné les nanas ne baisent pas avec toi. Ce n’est qu’une campagne de peur et de consommation. Je crois que tout est basé sur cette idée. Si on fou la trouille aux gens, ils consommeront. Je crois que tout se résume à cette idée très simple. »

Moore : « Si vous parleriez aux lycéens de Columbine, vous leur direz quoi ? »

Manson : « Je ne dirais rien, j’écouterais ce qu’ils ont à dire, ce que personne n’a fait. »


L’Affaire Monica Lewinsky

Monica Lewinsky défraie la chronique la chronique entre 1998-1999 lorsque ses relations sexuelles avec le président Bill Clinton, lors d’un stage effectué à la Maison Blanche, sont rendus public. Le mensonge sous serment de Clinton à propos de cette relation a faillit aboutir à la destitution du président des États-Unis. Le président est accusé d’avoir menti sur la nature de ses relations avec la jeune stagiaire.

L’affaire est très médiatisée au niveau international et de nombreux détails sont livrés. Bill Clinton est contraint de faire des excuses publiques à la télévision américaine. Notons que ce n’est pas la première fois que le nom de Bill Clinton soit associé à une affaire de mœurs. Quelques années plus tôt, une de ses anciennes collaboratrices, du temps où il était gouverneur de l’Arkansas, avait porté plainte contre lui, pour harcèlement sexuel.

La Guerre au Kosovo

La guerre du Kosovo a eu lieu en 1999 sur le territoire de la République fédérale de Yougoslavie. Elle oppose l’armé yougoslave à l’armé de libération du Kosovo soutenu par L’OTAN. L’origine du conflit revient aux tentions entre les deux communautés serbe et albanaise du Kosovo depuis la 1ère guerre mondiale et la guerre des Balkans. La tension est devenue plus forte après la reconnaissance du droit des Albanais à l’autodétermination par Josip Broz TITO (homme politique et militaire yougoslave, dirigeant de l’Etat socialiste yougoslave et le président du conseil exécutif, puis le président de la république de la fin de la seconde Guerre Mondiale jusqu’à sa mort en 1980). La tension est devenue grande après la rupture entre Staline et Tito (schisme yougoslave en 1948) qui se termine par la fermeture de la frontière du Kosovo avec l’Albanie.
Puis, la mort de Tito engendre le début de violentes manifestations au Kosovo, les Albanais réclament le statut de république à part entière et leur séparation avec la Serbie.

La domination de la Serbie continue avec la suppression de l’autonomie du Kosovo en 1989, suivit par la Serbinisation du pays. 80 mille fonctionnaires d’État et de l’Éducation albanais sont chassés de leur travail et remplacés par les Serbes. L’intervention de l’OTAN est menée suite à des opérations d’élimination des centres de défense des opinions par l’Armée populaire yougoslave et la police Serbe. Clinton propose alors une intervention par la force de l’aviation. La guerre du Kosovo pouvait mettre en péril la stabilité de l’économie mondiale. Ce qui exprime l’intervention de l’OTAN et des grandes puissances.

Comme l’évoque Michael Moore, quelques heures avant le massacre de Columbine, les forces armées américaines venaient d’effectuer l’un des bombardements les plus intensifs qui soient au Kosovo, soufflant au passage une église et une école maternelle.


La Circulation des Armes aux États-Unis

L’arme à feu est avant tout un objet culturel aux États-Unis où il existe des foires aux armes. Les américains s’y rendent en famille et s’essayent aux armes avec leurs enfants sur des champs de tir. Il existe des foires d’armes où la vente de ces dernières se fait librement, échappant à toutes régulations. Aujourd’hui, même les grandes distributions envoient des prospectus aux américains pour vanter leurs produits.

Le 2ème amendement de la constitution des États-Unis de 1787 dit de manière très explicite que le droit au port d’armes est permis, mais dans le cadre d’une milice. « Une milice bien organisée étant nécessaire à la sécurité d’un État libre, le droit qu’a le peuple de détenir et de porter des armes ne sera pas transgressé.« 

Mais les conséquences de cet accès facile aux armes causent de nombreuses fusillades au pays de l’Oncle Sam. Le taux d’homicide par balle est très élevé aux États-Unis, le plus fort taux d’homicide au monde par rapport au Canada et à la France. Les états les plus touchés sont ceux du Sud, comme la Caroline, la Floride et la Géorgie.

Il y a aussi la NRA, une association à but non lucratif crée en 1871, qui a pour credo « Rien ne vaut un honnête homme armé contre un criminel armé » – prône la multiplication des armes à feu. L’association compte plus de 4 millions d’adhérents.

Les différentes tentatives de régulation

Le « gun right » fait partie intégrante de la constitution US, dans le 2nd amendement. Il existe tout de même des lois visant à régulariser et contrôler la circulation de ces dernières. Chaque États se doit de respecter la constitution et donc de laisser libre les citoyens de posséder une arme. Cependant ils ont chacun leurs lois sur leur contrôle. Notamment dans la nécessité ou non de posséder un permis de port d’arme, et leurs conditions d’obtention, ainsi que la reconnaissance ou non de ces permis d’un état a un autre. Le premier État à avoir instauré une loi visant à contrôler les armes est l’État de New York en 1911 (loi Sullivan). Toutefois son efficacité est limitée par le trafic des États voisins. De plus, un contrôle psychiatrique et la vérification du cassier judiciaire sont nécessaires pour l’obtention d’une arme à feu.

En 1994, le président Bill Clinton fait passer une loi, la loi Brady, visant à interdire la commercialisation des fusils d’assaut. Pour obtenir l’accord du Sénat, Clinton accepte le compromis qui limite l’application de la restriction sur 10 ans. En 2004, le président Bush décida de ne pas reconduire la loi.

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Le style Michael Moore

Le réalisateur a conscience des effets que peut avoir le cinéma sur les masses. La « méthode Moore » se destine à tous, la cible, c’est la masse et plus particulièrement chaque personne qui la compose, personnellement. Michael Moore apparait à nos yeux comme un individu moyen.

Derrière la caméra, nous voyons avec ses yeux et il se questionne en utilisant le « je ». Devant il est « comme nous ». Légèrement gros, comme plus de deux tiers des américains, un look commun, casquette de base-ball sur la tête. De plus le cinéaste offre aux Européens un plateau de stéréotypes. L’Amérique sa violence, sa cupidité, l’injustice sociale, la religiosité. Courrier International en citant Newsweek, dit qu’il a « l’énergie, l’irrévérence et le franc-parler que beaucoup d’Européens apprécient tant chez les Américains. » Toutes ces choses amènes le spectateur à lui faire confiance, les stéréotypes tout comme la publicité permette de simplifier le message pour mieux le faire passer.

Si l’interview de Marilyn Manson est bluffante de lucidité, le documentaire se termine par une interview de l’acteur Charlton Heston, président de la NRA, de 1998 à 2003, une interview qui laisse apparaître toute l’inhumanité d’un homme qui fut pourtant l’interprète de Moïse au cinéma.

L’Après Columbine

Au début des années 2000, les États-Unis ont connu une période politique, économique et sociale la plus difficile depuis son histoire. Une politique sous le contrôle de Georges Bush. L’élection de Bush en 2000 est la plus contestée dans l’histoire du pays. L’année précédent l’élection, le frère et gouverneur de Floride, Jeb Bush avait fait voter dans son État une loi qui instaurait la suppression du droit de vote pour des dizaines de milliers d’électeurs ayant commis des infractions mineures. Or ces électeurs étaient le plus souvent issus des quartiers populaires qui votent majoritairement pour le Parti Démocrate. Cette élection connue par une grosse fraude électorale par le parti républicain dans l’état du Floride. En 2001, La politique extérieure des États-Unis est connue par la guerre contre le terrorisme après les attentats du 11 septembre 2001 et les guerres d’Afghanistan et l’Irak. Aussi par l’adoption du PATRIOT ACT (une loi antiterroriste, pour unir et renforcer l’Amérique en fournissant les outils appropriés pour déceler et contrer le terrorisme).

Le 11 septembre 2001 a changé la société américaine en la faisant entrer dans l’ère du doute. Les Américains découvrent qu’ils peuvent être attaqués sur leur sol, ce qui n’était jamais arrivé avant. Ces attentats font rentrer la société américaine dans la crise politique, économique et sociale. Sur le niveau économique, les États-Unis connaissent une crise, la confiance des ménages a souffert du sous-emploi. Aussi une faible croissance au cours du début de 2001, pénalisée par l’absence de créations d’emplois.


Quelques faits qui ont marqué les États-Unis après la fusillade du Columbine :

  • 19 novembre 1999 : Une collégienne de 13 ans est mortellement blessée par une balle dans la tête à Deming (Nouveau-Mexique). Victor Cordova, 12ans, écope de deux années en maison de correction.
  • 29 février 2000 : Un enfant de six ans abat une camarade du même âge à l’école Buell à Mount Morris Township, dans le Michigan.
  • 26 mai 2000 : le dernier jour de l’année scolaire, Nathaniel Brazil, 13ans, tue son professeur d’anglais au collège de Lake Worth, en Floride. Il a été condamné à une peine de 28ans d’emprisonnement.
  • 5 mars 2001 : Charles Andy Williams, 15ans, ouvre le feu dans le lycée Santana de Santee, en Californie. Il tue deux élèves, en blesse 13. Condamné à 50 ans de prison.
  • 16 janvier 2002 : Après avoir été exclu de la Fac de droit des Appalaches à Grundy (Virginie), Peter Odighizuwa, 42 ans, abat avec un pistolet le doyen de l’établissement, un professeur et une étudiante. Trois autres étudiants sont blessés.

De nos jours

En 2018, il est intéressant de constater que les choses n’ont pas évolué, les Etats-Unis ne cherchent pas à contrôler efficacement l’accès aux armes mais cherchent toujours un nouveau bouc émissaire. Cependant, Marilyn Manson n’est plus la cible des médias. Avant lui, les médias expliquaient certains comportement déviant par le rock’n roll lorsque le genre était encore à ses prémices, il y a eu Marilyn Manson, Eminem et les films Scream.

Aujourd’hui, bien qu’il n’y est aucune étude tangible, le nouveau bouc émissaire est le jeu vidéo, et pas seulement aux Etats-Unis. Lors des affaires Merah en France et Anders Breivik en Norvège, nous avons pu entendre à maintes reprises que ces personnes jouaient énormément aux jeux-vidéo.
Citons Natacha Polony, chroniqueuse dans l’émission de Laurent Ruquier On n’est pas couché. Elle expliquait en Juin 2012 que le comportement de Merah était sans doute lié aux jeux-vidéo.

Lorsque la rédaction d’Eklecty-City interroge sur le sujet le réalisateur Étienne Rouillon, rédacteur en chef du magazine Trois Couleurs, il répond : (extrait de notre interview du 17 janvier 2012) :

« Ce qu’il y a de formidable c’est qu’après le rock, le jeu vidéo et les mangas, le prochain bouc émissaire ce sont les réseaux sociaux. On va foutre la paix au jeu vidéo. Le phénomène dont on parle est mourant car tout le monde a bien compris qu’on était dans la caricature en associant fait divers et violence des jeux vidéo. Le massacre perpétré par Anders Breivik en Norvège cet été en est un exemple. Il a expliqué que le meilleur alibi vis-à-vis de ses proches lorsque l’on doit s’isoler dans la préparation d’un attentat, c’est de faire croire que l’on est devenu un hardcore gamer de MMORPG. Il n’est pas devenu un joueur addict, il a simplement joué de cette idée reçue.« 

Pour continuer sur les jeux vidéo, il s’agit avant tout d’un art à part entière. L’enseignent chercheur Sébastien Genvo, confie (extrait de notre interview du 22 décembre 2012) :

« Lorsque le cinéma est apparu, beaucoup le considérait comme un divertissement abrutissant, voire dangereux, mais il en a été de même pour le roman, ou le théâtre. Bref, la question de l’art pour les jeux vidéo passe en grande partie selon moi par des considérations institutionnelles. On voit à présent des lieux reconnus comme Le grand palais ou le Musée du Conservatoire des Arts et Métiers accueillir ce média.« 

Si on est d’accord pour dire que le medium jeu vidéo n’est pas responsable des agissements de déséquilibrés, certains esprits étroits en sont encore convaincus. Malheureusement, ce type d’évènement, comme la tuerie de Columbine, fait partie du quotidien des américains. Le véritable problème c’est l’hypocrisie américaine autour de la circulation et l’accès aux armes à feu.

Nous avions eu encore un triste exemple en juillet 2012 lors d’une avant première de The Dark Knight Rises. La sortie du film a été marquée par la tuerie d’Aurora, dans le Colorado faisant douze morts et une cinquantaine de blessés. L’une des victimes, Torrence Brown Jr, qui s’était rendu de lui-même à l’avant première a décidé de porter plainte contre le cinéma et la Warner Bros. L’avocat de la victime confiait :

« Quelqu’un doit être responsable de la violence rampante qui est montrée partout aujourd’hui. »

Accuser le cinéma et la Warner d’avoir un lien avec l’acte odieux de James Olmes nous renvoie une nouvelle fois à l’hypocrisie typique américaine. Il y a un responsable et ce n’est pas la Warner, mais l’accès facile aux armes. Preuve en n’est le massacre de Newton en décembre 2012, Adam Lanza, est devenu l’auteur de l’une des pires tueries dans un établissement scolaire américain. Agé de 20 ans il a assassiné sa mère au domicile familiale avant d’ouvrir le feu dans le hall d’une école primaire, faisant pas moins de 26 victimes dont 20 enfants âgés de 5 à 10ans.
Décrit comme « troublé » « timide » et « presque autiste » par son frère, la question se pose comment une personne autiste, timide a-t-il pu se procurer des armes à savoir deux pistolets et une mitraillette semi-automatique, un 223 Bushmaster, capable de tirer cinq balles par seconde.

Les médias américains semblaient avoir la réponse, Adam Lanza aimait la culture japonaise, il collectionnait les cartes Pokémon et jouait sur Playstation à Dynasty Warriors, un jeu datant de 1997. Devant l’incompréhension les internautes ont enquêté sur la toile pour essayer de comprendre la folie d’Adam Lanza. Identifié dans un premier temps comme Ryan Lanza, (le frère du tueur), fan de Mass Effect, la communauté Facebook et Fox News ont rapidement fait le lien entre la tuerie et la passion de Ryan pour le jeu Mass Effect. Et, alors que l’auteur de la tuerie a finalement été rapidement identifié comme Adam Lanza, les médias et les internautes ont continué de pointer du doigts le jeu Mass Effect et demandèrent même que le titre ne soit plus commercialisé.

Les amalgames entre la violence et les jeux vidéo sont monnaie courante, le public visé par les médias est celui des adultes, qui aujourd’hui sont présents en masse sur Facebook, mais comme le souligne le site generation-nt, ces personnes ne sont pas initiées à la culture numérique. Et ce sont ces mêmes personnes qui expliquaient la folie meurtrière d’Adam Lanza par le jeu Mass Effect. Mais à l’inverse de la presse papier, ils (Fox News et co) oubliaient de pointer du doigt la mère du tueur Nancy Lanza, qui collectionnait les armes à feu, et qui emmenée régulièrement ses enfants s’exercer au tir.

En réponse à la tuerie de Newton, Michael Moore promeut la diffusion large d’une version pirate de son documentaire sur YouTube.
Enfin précisons que pendant sa campagne Barack Obama promettait des mesures rapides contre les armes… Et comme vous le savez rien n’a été fait et ce n’est pas avec Donald Trump que les choses vont changer. Le changement viendra d’abord par une évolution de la mentalité des américains. Cela se fera sans doute avec la nouvelle génération.

Sources diverses :
Critique : Bowling for Columbine
ann.ledoux.free.fr
Reconstruire les cheminements de Michael Moore

(Photo Credit: Pixabay)

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Thomas
Thomas
Rédacteur en chef et chroniqueur anti-protocolaire. Enfant des années 80's / 90’s biberonné à la Pop Culture.

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