Netflix officialise le rachat de Warner Bros Discovery et déclenche un bouleversement pour Hollywood et le streaming mondial.
Le rachat de Warner Bros Discovery par Netflix est l’un des tournants les plus spectaculaires de l’histoire du divertissement moderne. Après des mois de rumeurs, d’enchères concurrentes et de tensions entre studios, la plateforme a finalisé un accord évalué à 82,7 milliards de dollars, scellant l’intégration des studios Warner, de HBO et de HBO Max dans son empire. Cette opération sans précédent rebat entièrement les cartes du streaming, du cinéma mondial et de l’équilibre des grandes franchises, de DC aux sagas cultes du catalogue Warner.
Alors que l’industrie tente encore de comprendre l’ampleur de ce séisme, une question domine : que signifie réellement cette fusion pour le futur du cinéma, des plateformes et de Hollywood ?
Un long processus de mutations avant la mise en vente
Dès juillet 2023, l’avenir de Warner Bros interrogeait déjà, lorsque des discussions préliminaires entre Warner Bros. Discovery et Paramount Global ont laissé entrevoir une possible fusion. À peine un an après la naissance de Warner Bros. Discovery, issue de la fusion entre Discovery Communications et WarnerMedia, David Zaslav rencontrait Bob Bakish et Shari Redstone pour évaluer un rapprochement susceptible d’aboutir à une plateforme de streaming unifiée entre HBO Max et Paramount+. Cette simple perspective déclenchait déjà une série de spéculations sur un bouleversement de l’équilibre des forces dans un marché du streaming en pleine consolidation.
Deux ans plus tard, en juillet 2025, Warner Bros. Discovery opère sa propre transformation interne. Le groupe annonce sa scission en deux entités distinctes : Warner Bros., dédiée aux studios, à HBO et au streaming, et Discovery Global, centrée sur les chaînes linéaires. Cette reconfiguration stratégique visait à clarifier les activités du groupe tout en rendant chaque bloc plus lisible – et potentiellement plus attractif pour d’éventuels acquéreurs.
Elle laissait également entendre que le groupe se préparait à une nouvelle phase de mutations profondes, tout en cherchant à sécuriser l’avenir de ses activités créatives et médiatiques.
Paramount, Netflix, Comcast : la bataille pour s’emparer de Warner
C’est dans ce contexte que, dès septembre 2025, les marques d’intérêt extérieures se multiplient : Paramount Skydance formule une première proposition de rachat, provoquant une envolée de l’action WBD et faisant émerger la possibilité d’un rapprochement massif entre deux géants. Peu après, d’autres acteurs, dont Netflix et Comcast, explorent à leur tour l’idée d’acquérir soit l’ensemble du groupe, soit sa partie la plus stratégique : les studios et le streaming.
Au fil de l’automne 2025, Warner Bros. Discovery entre alors dans une phase d’intenses négociations. Après avoir rejeté une première offre jugée insuffisante, le groupe confirme avoir reçu plusieurs propositions non sollicitées. Le conseil d’administration ouvre un examen complet de scénarios alternatifs, allant d’une vente intégrale à la cession partielle de divisions, ou encore à une fusion combinée à la scission de Discovery Global. Ces discussions suscitaient de nombreuses interrogations autour de l’avenir des studios, de la gouvernance de DC Studios et des priorités éditoriales, chaque repreneur potentiel portant une vision différente de ce que devrait devenir le groupe.
Parmi tous les prétendants, c’est toutefois la possibilité d’un rachat par Paramount qui suscite le plus d’inquiétudes. Depuis la fusion Paramount–Skydance, David Ellison a orchestré des restructurations massives : suppressions de postes, rationalisation agressive des coûts, fermeture de chaînes comme Game One, réorientation idéologique sensible de certaines divisions et annulation de projets, notamment certains contenus jugés trop sensibles politiquement pour l’administration Trump, proche de la famille Ellison…
À cela s’ajoutent les interrogations sur la capacité de Paramount à gérer la dette colossale de WBD ou à préserver les équilibres créatifs de franchises comme DC Comics. Ces éléments combinés nourrissent la crainte d’un rachat susceptible de fragiliser l’identité artistique de Warner Bros., de réduire son ambition créative et de déstabiliser durablement ses équipes.
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Les commentaires de James Cameron
En parallèle, le débat autour de l’avenir de Warner Bros. Discovery s’est enflammé en novembre 2025 lorsque James Cameron a pris publiquement position contre l’hypothèse d’un rachat par Netflix. Le cinéaste, habituellement mesuré dans ses déclarations, n’a laissé planer aucun doute sur son opinion.
Il confiait à Puck News : « Ce serait un désastre si Netflix rachetait Warner Bros. Discovery ». Selon lui, confier à un pure player du streaming le contrôle d’un conglomérat historique aux équilibres déjà fragiles menacerait non seulement la diversité créative, mais aussi la viabilité économique de blockbusters complexes à produire. Ces déclarations interviennent au moment même où Warner Bros. Discovery, alors valorisé aux alentours de 50 milliards de dollars, se retrouvait au centre d’une lutte d’influence inédite entre plusieurs mastodontes de l’industrie.
Cameron est allé plus loin en élargissant son analyse au rôle des plateformes dans le système hollywoodien. Il expliquait que les plateformes ont créé une bulle en finançant massivement la création, puis ont asséché leur propre modèle, laissant les productions ambitieuses sans véritable refuge. « Le streaming s’est imposé en misant au départ sur une base artistique, en jetant de l’argent fou pour attirer les talents A-list, puis en tirant le tapis sous leurs pieds, n’est-ce pas ? » a-t-il expliqué avant d’ajouter : « Aujourd’hui, les budgets sont réduits de moitié, voire d’un tiers. Les films à plus gros budgets comme Dune, Wicked, Avatar ou autre ne sont pas validés pour le streaming. Et ils ne sont pas validés non plus par les branches cinéma des majors existantes. Ils tombent entre les deux. »
La sortie de James Cameron a eu l’effet d’un signal d’alarme pour les observateurs du secteur. Si même un cinéaste aux relations historiquement transversales jugeait certains candidats dangereux pour la pérennité du studio, c’est que le risque créatif était perçu comme réel. Dans ce contexte, plusieurs acteurs de l’industrie – analystes, dirigeants, investisseurs et conseillers stratégiques – ont fait savoir que la solution la plus saine pour la préservation du catalogue et des propriétés intellectuelles de Warner restait, selon eux, une reprise par Universal, considéré comme le mieux placé pour protéger l’héritage du studio.
Cette semaine encore, le réalisateur confiait à ScreenRant que l’industrie du cinéma traverse une période extrêmement difficile : « Je veux dire, l’industrie des salles de cinéma est très déprimée en ce moment. Nous sortons d’une année terrible. Même si Zootopie apporte un petit regain en cette fin d’année, ça reste une mauvaise année, et les dernières années ont été mauvaises depuis le COVID et depuis que le streaming a pris un énorme morceau dans le derrière de l’exploitation en salles. Et peut-être que ce film va marcher, peut-être que non. Pour l’instant, je suis agnostique là-dessus. Mais j’espère que les gens viendront, parce que l’expérience en salle est la seule manière de vivre ce temps de rêve éveillé. »
La peur d’un glissement du modèle hollywoodien
Ce jeudi 4 décembre 2025 les choses se sont accélérées, lorsque Paramount a officiellement accusé Warner Bros. Discovery d’avoir orienté le processus de vente en faveur de Netflix. Selon les informations révélées par CNBC, la tension est montée d’un cran après l’envoi d’une lettre adressée à David Zaslav, dans laquelle les avocats de Paramount mettent en cause l’intégrité même de la procédure.
Paramount estime que, depuis l’appel d’offres d’octobre ayant attiré des propositions de Netflix, Comcast et Paramount, la direction de WBD aurait discrètement favorisé un candidat unique. Les accusations évoquent un processus « biaisé », nourri par ce que Paramount décrit comme une proximité personnelle entre les dirigeants de WBD et ceux de Netflix, ainsi qu’une série d’indications laissant penser que l’issue aurait été « prédéterminée » avant même la clôture des discussions.
Dans cette lettre, Paramount rappelle que plusieurs de ses offres – dont la dernière de 23,50 dollars par action – avaient été rejetées avant même l-ouverture officielle de la procédure de vente, et demande désormais la création d-un comité spécial indépendant chargé de superviser l’ensemble du processus. L’entreprise affirme vouloir protéger les intérêts des actionnaires de WBD, tout en se présentant comme un acquéreur potentiellement stabilisateur.
Dans la foulée, Variety nous informait qu’un collectif anonyme de grands producteurs hollywoodiens – décrit comme un groupe comprenant plusieurs cinéastes de renoms – avait envoyé une lettre alarmante au Congrès américain. Se présentant comme de simples « producteurs de films préoccupés », ils expliquent garder l’anonymat par crainte de représailles, étant donné le pouvoir considérable de Netflix sur le marché. Leur message annonce un risque de « meltdown économique et institutionnel » si Netflix venait à prendre le contrôle des actifs de Warner Bros. Discovery.
La principale inquiétude porte sur l’avenir de l’exploitation en salles. Selon ces producteurs, Netflix pourrait réduire drastiquement la fenêtre de diffusion en salles des films Warner, certaines sources évoquant un délai d’à peine deux semaines avant un passage direct sur une plateforme Netflix-HBO Max combinée, un point qu’une autre source proche du dossier a toutefois démenti.
Dans cette même lettre, les producteurs rappellent à quel point Ted Sarandos a, à plusieurs reprises, minimisé l’importance des salles de cinéma dans la stratégie de Netflix, citant même un appel aux investisseurs de 2023 où il déclarait : « Attirer les gens en salle n’est tout simplement pas notre métier ». En avril 2025, Ted Sarandos, co-PDG de Netflix, affirmait que le cinéma en salles était ‘un concept dépassé‘ ( via Variety) :
‘Nous sauvons Hollywood… Netflix est une entreprise très centrée sur le consommateur. Nous tenons vraiment à proposer les contenus de la manière dont vous souhaitez les regarder. Nous sommes dans une période de transition. Les gens ont grandi en pensant: ‘Je veux faire des films sur un écran gigantesque et que des inconnus les regardent, que ça passe en salle pendant deux mois, avec des larmes et des salles complètes…’ C’est un concept dépassé. Je pense que oui [l’idée que faire des films pour l’expérience collective et les salles est démodée]‘.
Ils avertissent qu’un tel modèle donnerait au groupe un pouvoir suffisant pour ‘resserrer un nœud autour du marché de l’exploitation en salles‘, en réduisant la présence des films et en tirant vers le bas les revenus des fenêtres post-cinéma. Ils soulignent que les rivaux Paramount et Comcast disposent, eux, d’infrastructures d’exploitation robustes et promettent de maintenir une production cinématographique conséquente pour les salles – Paramount allant jusqu’à garantir un minimum de quatorze films par an.
Dans ce climat de méfiance, la lettre conclut en appelant le Congrès à exiger ‘le plus haut niveau de contrôle antitrust‘. Une position qui rejoint celle de plusieurs acteurs de l’industrie, pour qui la meilleure option pour préserver le catalogue et les propriétés de Warner resterait un rachat par Universal.
Netflix décroche Warner Bros Discovery
Aujourd’hui, le 5 décembre 2025 le rachat de Warner Bros. Discovery par Netflix est officiel. Dans un communiqué, Netflix a annoncé la signature d’un accord définitif pour acquérir Warner Bros., incluant ses studios de cinéma et de télévision ainsi que HBO et HBO Max. La transaction, d’une valeur d’entreprise d’environ 82,7 milliards de dollars (72 milliards en capital), sera finalisée après la scission de Discovery Global, désormais attendue pour le troisième trimestre 2026. Chaque actionnaire de WBD recevra 23,25 dollars en cash et 4,50 dollars en actions Netflix, ajustés selon un mécanisme de collar prévu dans le contrat.
Ted Sarandos a présenté cette fusion comme un tournant historique : ‘Notre mission a toujours été de divertir le monde‘, a déclaré Ted Sarandos, co-PDG de Netflix. ‘En combinant l’incroyable catalogue de séries et de films de Warner Bros – des classiques intemporels comme Casablanca et Citizen Kane aux favoris modernes comme Harry Potter et Friends – avec nos productions qui marquent la culture, comme Stranger Things, KPop Demon Hunters et Squid Game, nous pourrons le faire encore mieux. Ensemble, nous pouvons offrir au public davantage de ce qu’il aime et contribuer à définir le prochain siècle de récit‘.
Greg Peters a ajouté que cette acquisition ‘améliorera notre offre et accélérera notre croissance pour des décennies‘, insistant sur la capacité de Netflix à élargir l’audience mondiale des franchises Warner. Le groupe réaffirme par ailleurs son intention de maintenir les opérations actuelles, notamment les sorties cinéma, pour préserver le rôle central de Warner dans l’industrie.
David Zaslav, PDG de WBD, a salué une décision stratégique ‘qui unit deux des plus grandes entreprises de storytelling au monde‘, estimant que ce rapprochement permettra de transmettre ‘les histoires les plus emblématiques‘ à un public plus large et sur le long terme. Netflix met en avant une série d’avantages : davantage de choix pour les consommateurs, plus d’opportunités pour les créateurs, une consolidation de l’industrie et 2 à 3 milliards d’économies annuelles attendues d’ici la troisième année.
Le groupe assure également que l’intégration d’HBO, HBO Max et du vaste catalogue Warner renforcera son offre premium tout en augmentant sa capacité de production aux États-Unis. La transaction, approuvée à l’unanimité par les conseils d’administration de WBD et de Netflix, reste soumise aux validations réglementaires et antitrust. Si tout se déroule comme prévu, elle devrait se conclure dans les 12 à 18 mois, à l’issue de la séparation complète de Discovery Global et du feu vert des autorités compétentes.
Un rachat historique mais des inquiétudes profondes persistent
Toutefois, malgré les engagements publics de Netflix, une part importante du secteur exprime des réserves sur les conséquences réelles de cette acquisition sans précédent. L’intégration d’un studio centenaire dans un modèle fondé sur la SVOD interroge autant qu’elle inquiète : réduction potentielle des fenêtres d’exploitation, recentrage de certaines productions vers le format plateforme, et affaiblissement possible de la diversité des circuits de diffusion. Les professionnels redoutent que cette concentration, inédite par son ampleur, n’accélère encore un basculement déjà engagé au détriment des salles et du marché physique.
Parmi les points de tension, l’avenir de DC Studios reste le plus commenté. Après plusieurs années d’instabilité créative et stratégique, beaucoup craignent que l’arrivée sous l’égide de Netflix ne fragilise davantage une franchise déjà en reconstruction. L’incertitude porte autant sur les budgets que sur la philosophie globale : orientation accrue vers des contenus destinés prioritairement à enrichir l’abonnement, réévaluation des calendriers de sorties, ou abandon de projets jugés trop coûteux. Pour une marque aussi centrale, le moindre changement de cap pourrait avoir des conséquences structurelles.
Les interrogations s’étendent aussi à la division jeux vidéo, l’une des plus rentables de Warner. Des studios comme Rocksteady ou NetherRealm représentent des piliers de l’industrie, et leur avenir dans une entreprise qui n’a jamais développé de stratégie claire sur ce secteur reste flou. Certains analystes évoquent le risque d’un recentrage sur des formats compatibles avec l’écosystème Netflix, ou d’une période de gel et de restructuration. Le sort de licenses comme Mortal Kombat ou des univers liés à DC dans le jeu vidéo demeure ainsi suspendu aux décisions à venir.
Plus largement, plusieurs acteurs du marché estiment que cette opération pourrait déclencher une recomposition accélérée de l’ensemble du paysage audiovisuel : hausse progressive des prix d’abonnement, disparition de certaines licences des plateformes concurrentes à l’expiration des accords, fragilisation du support physique et bataille réglementaire majeure aux États-Unis.
Dans ce contexte tendu, certains professionnels continuent d’affirmer que le choix le plus naturel pour préserver la cohérence du catalogue – notamment les grandes franchises cinéma et jeux vidéo – aurait été (encore une fois) un rapprochement avec Universal, perçu comme un allié industriel plus stable et mieux aligné sur la culture historique de Warner.










