AccueilCinémaFestival Lumière 2017 : la Nuit William Friedkin

Festival Lumière 2017 : la Nuit William Friedkin

Pas de compétition : tout le monde est gagnant. Au Festival Lumière, on célèbre un cinéma que l’on aime et des artistes que l’on estime. À l’honneur cette année, le réalisateur, scénariste et producteur hongkongais Wong Kar-wai. Chaque jour, Quentin vous fait le compte rendu de ses journées passé sur place.

Événement très attendu : la Nuit William Friedkin. Présentée par le maître lui-même, c’était le moment de se régaler avec quatre films culte tous présentés dans de magnifiques copies restaurées. Des attentes très haute qui ne furent pas déçu. Voyez plutôt.

VENDREDI 20 Octobre

Friedkin on fire !!

Quatre-vingt deux !! Retenez bien ce chiffre. Quatre-vingt deux, c’est l’age d’un William Friedkin qui semble en avoir toujours trente. Pétillant et malicieux, le réalisateur s’est livré à un show d’anthologie pour introduire les quatre films composant la nuit qui lui était consacrée.

« Vous ne devriez pas restez pour regarder ces films. » Nous met en garde le réalisateur. « J’ai déjà du mal à en voir ne serait-ce qu’un seul… Alors quatre !!! » Constituant sa période 70’s, il est vrai que le programme du soir peut-être particulièrement dur à digérer. French Connexion, Sorcerer, La Chasse et l’Exorciste sont des œuvres noires qui n’hésitent pas à renvoyer le spectateur vers ses propres contradictions.

« Beaucoup de réalisateurs ont pleins d’idées géniales. Moi je n’en ai eu qu’un seule que j’ai étiré sur toute ma carrière. Cette idée, est-celle de l’ambiguïté. Je pense que chacun d’entre nous possède une noirceur enfouie au plus profond de lui. Mon travail c’est de mettre en avant cette noirceur. »

Et pour cause – exception faite de l’Exorciste chez qui le personnage du père Karras est profondément bienveillant – les protagonistes des films de Friedkin possèdent tous cette part d’ambiguïté. Une frontière fine entre le bien et le mal. L’égoïsme et l’humanisme. Popeye – Gene Hackman dans French Connexion – est par exemple prêt à tout pour arrêter un grand ponte de la drogue. Mais son entêtement va le conduire à mettre en danger la vie de ses hommes et le pousser à commettre, lui-même, l’irréparable. À l’inverse, les anti-héros de Sorcerer – respectivement un malfrat, un tueur à gage, un terroriste et un magouilleur financier – seront soumis à un purgatoire tellement infernal que le prix semble trop cher payé par rapport aux fautes commises. De façon beaucoup plus ténue, la Chasse et l’Exorciste illustrent également à merveille cette idée d’ambiguïté qui jalonne le cinéma de Friedkin.

Steve Burns – joué par Al Pacino – est obligé d’enquêter dans les milieu gay sadomasochiste des années soixante-dix. Il sera d’abord écœuré avant d’éprouver de plus en plus de fascination morbide pour ce cadre qu’il exècre. Dans le cas de l’Exorciste, on peut regretter que la version diffusée soit la – soit-disant – director’s cut de 2001. Dans cette dernière, le doute n’est plus trop laissé quand à l’aspect fantastique de l’histoire. Dans la version d’origine, cette dernière prenait bien soin de brouiller les pistes pour qu’à aucun moment l’hypothèse de la possession ne soit indéniable. Le mal de Linda Blair pouvait aussi bien être le fruit d’une maladie mentale inconnue que celle d’une force démoniaque. Il faut alors se tourner pour cette nouvelle version vers le père Karras. Même si ce dernier reste profondément bienveillant, il restera partagé entre l’amour pour sa mère et son incapacité à s’occuper d’elle. Une incapacité le conduisant à se détacher d’elle et à la laisser mourir seule dans un endroit dont elle ne voulait pas.

« Mais vous savez, il n’y a pas de double sens dans mes films. Ce ne sont pas des objets très réflectif. Ce que je vous conseil, c’est de vous imprégner de l’ambiance, de l’atmosphère… et de vous laissez porter. »

Pendant plus de 40 minutes, le réalisateur va multiplier les digressions, les blagues et les anecdotes. En bon showman américain, il sait que le public est là pour lui et il veut lui en donner pour son argent. « Mes films favoris ce serait plutôt les comédies musicales des années 50. Bon, à la place j’ai fait… ça. » Il montre l’écran avec le listing du programme du soir. « On ne peut pas sortir de mes films en chantant singing in the rain. » Dit-il, avant d’entamer la chansonnette bientôt rejoint par l’intégralité de la salle. Surréaliste.

Décidément inarrêtable, il s’approche d’un piano entreposé dans le coin. « À quoi ça sert ça ? » On lui répond que c’est pour les ciné-concerts. « Vous devriez couper le son de mes films et mettre quelqu’un pour en jouer. Ce sera plus intéressant. » Puis il s’installe et commence jouer l’opening de la série Dragnet. Un génie.

Lorsqu’on lui demande si sa carrière est derrière lui ou s’il a d’autres projets, le réalisateur lâche une bombe : « En ce moment je travaille sur un biopic de Jack l’Éventreur. » L’annonce clou la salle au fauteuil. Pensez-vous !!! William Friedkin, réalisateur de l’Exorciste, qui s’attaque au mythique tueur londonien. Le pire, c’est que le choix fait sens dans sa carrière. De quoi faire fantasmer bon nombre de cinéphiles. « Pour le rôle, il faudrait nécessairement un anglais je pense. Plein d’acteur pourraient le faire. Mais je pense que Tom Hardy serait pas mal. Vous en pensez quoi ? » Salve d’applaudissement. Évidemment, on a très envie que ça se fasse.

Ensuite, le réalisateur américain s’est lancé, suite à une question, dans une longue analyse de l’affaire Kennedy. Selon lui, il y aurait eu plusieurs tireurs. Mais n’ayant trouvé qu’un seul bouc émissaire, le gouvernement aurait chargé Lee Harvey Oswald pour ne pas avoir à admettre que certains crimes restaient impuni. « C’est quelque chose lié à l’époque. On ne pouvait pas dire aux gens que des tueurs courraient impunément dans la nature. C’est comme mes films. On ne pourrait pas les faire aujourd’hui. Ce n’est plus ce que le public attend. Les gens veulent des personnages fort et bienveillant ainsi que des histoires qui se finissent bien. Et je peux totalement le comprendre. »

Sur ce, Billy Friedkin nous invite une dernière fois à quitter la salle pour ne pas sombrer dans la dépression. Heureusement, personne ne suit son conseil. Et qu’importe si le déluge de noirceur est implacable. Cette sélection de films prouve que Friedkin fait parti des meilleurs cinéastes qui peuplent cette planète.

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Quentin
Quentin
Vidéaste compulsif et cinéphile pointilleux. Croit fort aux pouvoirs évocateurs des mythes cinématographique. L’étude des monstres, des freaks, des extra-terrestres et des super-slips n'est plus un secret pour lui.

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