Entre passion et mémoire, plusieurs hommages honorent l’œuvre d’Antonio Maria Da Silva, référence du mashup cinématographique.
Le 26 mai dernier, nous rendions hommage à Antonio Maria Da Silva, génie créatif qui a redéfini le mashup cinématographique et marqué toute une génération de cinéphiles et d’internautes. Depuis l’annonce de sa disparition, plusieurs hommages ont été organisés pour célébrer la mémoire et l’œuvre singulière de cet artiste hors norme.
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Un hommage dans l’une des plus grandes salles de cinéma d’Europe
Dans la nuit du 4 au 5 juin 2025 à 0h30, le distributeur Night ED Films, Étienne Dubaille et Logan Boubady ont profité de l’avant-première du nouveau film du réalisateur tamoul Mani Ratnam, ‘Thug Life‘, avec Kamal Haasan, pour rendre un vibrant hommage à Antonio Maria Da Silva. Cet hommage s’est tenu dans la prestigieuse salle Horizon du Mégarama Villeneuve-la-Garenne, qui compte 905 places, l’un des plus grands écrans d’Europe.
Grand passionné et défenseur du cinéma indien, Antonio avait régulièrement réalisé des mashups à l’occasion de sorties importantes de Bollywood et Kollywood. Lors de cette soirée spéciale, un mashup co-réalisé par Antonio Maria Da Silva et Logan Boubady, véritable ode au légendaire Kamal Haasan, a été projeté, ainsi qu’un montage hommage au King of Mashup. Comme en témoigne la vidéo ci-dessous, l’émotion était palpable et le public, conquis, a chaleureusement salué cette projection unique.
Des images qui ne s’éteignent jamais
Le dimanche 22 juin 2025, un second hommage s’est tenu à l’initiative de Logan Boubady, Sheila Herriot, David Sarrio et Eric Gendarme. L’événement a réuni proches, amis, collaborateurs et passionnés dans les locaux de June Entertainment à Gentilly.
Durant cet hommage, chacun a pu témoigner de l’exigence artistique d’Antonio Maria Da Silva, de sa passion pour le cinéma et de son approche unique du mashup. Plusieurs de ses œuvres majeures ont été projetées, dont Hell’s Club (épisodes 1, 2 & 3), Bruce Lee vs Bruce Lee, Rise of the Boogeymen – Michael vs Jason, Terminator vs Robocop, et bien d’autres pièces emblématiques de son incroyable filmographie.
L’événement a permis de célébrer à la fois l’artiste et l’homme discret mais passionné qu’était Antonio, dans une atmosphère de partage et de souvenirs collectifs. Durant cet hommage, Alain Zind, co-dialoguiste d’Antonio Maria Da Silva depuis Dinosaur Hunters, a souhaité livrer une analyse complète de l’œuvre qu’il laisse derrière lui.
Selon lui, Antonio Maria Da Silva était avant tout un cinéphile insatiable, ‘capable de déceler de l’intérêt dans chaque image, quel que soit son horizon de production.‘ Une passion qui l’a naturellement conduit vers l’art du mashup, ‘réceptacle cinéphile par excellence‘. Mais pour Alain Zind, le travail d’Antonio ne se limite pas à une simple réutilisation des images. Au contraire, ‘au-delà de son travail de recyclage des images et de régénération de récits nouveaux, son cinéma tout entier aura été bercé par la mélancolie iconique – c’est-à-dire le souvenir attendri d’images du passé, trouvant un éclat présent dans toute source réfléchissante.‘
Parmi les motifs récurrents de son œuvre, Alain Zind identifie notamment celui du reflet : ‘sur une vitre, des lunettes, du métal, ou de l’eau ; le reflet, et le feu, passage obligé de la plupart de ses films, comme le purgatoire nécessaire à la rédemption, l’enfer obligé par lequel ses personnages doivent transiter afin de se laver de leurs péchés.‘ Ce symbolisme prend une dimension toute particulière dans Ashes & Blood (2022), son dernier long-métrage ‘traditionnel’, où l’on suit ‘l’histoire d’un vampire romantique – les vampires, ces êtres sans reflet, figés dans un éternel présent – à la poursuite d’une image, celle de son amour perdu.‘
Cette fascination pour le mouvement des images et leur transformation traverse l’ensemble de son œuvre. Alain Zind évoque ainsi le projet singulier de remasterisation de ‘La Jetée‘ de Chris Marker (1962), film composé uniquement de photographies, et principale inspiration du film L’Armée des douze singes (1995) de Terry Gilliam. Là encore, l’objectif d’Antonio n’était pas de se limiter à une simple amélioration technique : ‘Il y avait également un travail de ré-introduction du mouvement. Ce mouvement renvoyait à l’idée d’un renouveau cinétique, comme pour en proposer une nouvelle version – comme s’il amenait, en gros, sa propre pierre à l’édifice. Ce projet, finalement, était tout sauf anecdotique : il cristallisait un autre thème fort du cinéma d’Antonio, sur lequel on va revenir, celui de l’héritage.‘
En filigrane de ses mashups, Antonio Maria Da Silva poursuivait ainsi une véritable réflexion sur la mémoire du cinéma, reprenant la célèbre introduction de ‘La Jetée‘ :
‘Ceci est l’histoire d’un homme marqué par une image d’enfance.‘
De la même manière, explique Alain Zind, ‘ses mashups ne sont pas que des catalogages geek, ce sont des musées d’image dynamiques, organisés par des procédés de narration auxquels le public est habitué. C’est pour ça que ses mashups sont des monuments à la gloire du cinéma, ‘destinés aux générations futures, non seulement pour raconter comment [ces films] se faisaient, mais pour signifier la façon [dont Antonio] l’a compris et se l’est approprié’.‘
Ainsi, poursuit-il, ‘le mashup, finalement, c’est quoi, si ce n’est un processus de remodelage qui insuffle un nouveau mouvement aux images, une nouvelle trajectoire, une nouvelle courbure narrative ? C’est une discipline-pop par excellence ; car si l’iconographie ‘pop’ appartient, par définition, au peuple, alors sa réappropriation par les mashuppeurs n’est qu’un juste retour des choses.‘
La question de l’héritage revient comme un fil rouge dans son analyse. Le climax de Bruce Lee vs Bruce Lee en est l’illustration parfaite : ‘il confronte l’acteur à son propre monument, sa statue en or, suivie d’une suite de champ-contrechamp entre Lee et ses héritiers potentiels.‘ Ce jeu de miroir convoque aussi notre propre position de spectateur, souligne Alain Zind : ‘nous, spectateurs d’hier et à venir, face à l’écran sur lequel nous pouvons voir ses films. Une œuvre qu’Antonio nous lègue, héritée elle-même de plusieurs images d’enfance ou de jeunesse, cinématographiques ou non ; des images qui se régénèrent, qui survivent par une nouvelle mise en écriture, pour ne jamais s’éteindre, et ne jamais cesser leur activité. Pour cela, son œuvre traversera le temps. Et ça, c’est déjà une belle récompense.‘
Une œuvre qui continuera de vivre
Antonio Maria Da Silva laisse une œuvre importante qui continuera d’être vue, partagée et appréciée par les cinéphiles et les créateurs. Ses films et mashups resteront une source d’inspiration, autant pour leur technique que pour leurs idées.
En ces temps de recomposition permanente de la culture audiovisuelle, le travail d’Antonio rappelle combien le cinéma reste un art vivant, capable de renaître sans cesse par le regard et l’imagination de ceux qui l’aiment et le réinventent.
D’ailleurs, Antonio approchait de la finalisation de ‘Moonwalker 2‘, un projet titanesque de près de trois heures qu’il qualifiait lui-même comme ‘le plus gros projet de mashup de sa vie‘. Véritable biopic fantastique consacré à Michael Jackson, le film était en phase de post-production avancée, avec les dialogues entièrement enregistrés, le montage et la synchronisation labiale en cours de finalisation. Des proches et collaborateurs poursuivent aujourd’hui le travail amorcé, dans l’espoir de proposer une projection posthume de cet ultime mashup du roi du mashup.
