Stranger Things 5 : Pink Floyd au cœur du final ? Analyse d’un ‘needle drop’ historique pour la destruction de l’Upside Down. Eklecty-City expose sa théorie sur la présence du groupe pour clore la série.
ATTENTION SPOILER
La cinquième saison de Stranger Things poursuit sa diffusion sur Netflix. Depuis ce 26 décembre, les abonnés peuvent découvrir le Volume 2, qui regroupe les épisodes 5, 6 et 7. Une nouvelle étape attend déjà les spectateurs : le Volume 3, ultime salve de la série, sera mis en ligne dans la nuit du 31 décembre au 1er janvier à 2h du matin (heure française). Pour l’occasion, la plateforme au N rouge voit les choses en grand avec une diffusion simultanée dans plus de 350 salles de cinéma aux États-Unis et au Canada, soulignant l’ampleur prise par la série depuis ses débuts.
Ce que révèle la saison 5 jusqu’ici
La cinquième saison de Stranger Things s’ouvre sur une situation de crise totale. En 1983, Will Byers (Noah Schnapp) se cache dans l’Upside Down où il est capturé par Vecna et infecté par une excroissance organique. En 1987, dix-neuf mois après l’incident des failles, Hawkins vit sous quarantaine militaire. Le docteur Kay (Linda Hamilton) et le lieutenant Akers dirigent une base installée à la fois dans la ville et dans l’Upside Down, avec pour objectif de retrouver Eleven (Millie Bobby Brown). Celle-ci vit cachée avec Jim Hopper (David Harbour) et Joyce Byers (Winona Ryder), où elle suit un entraînement intensif.
La disparition de Holly Wheeler (Nell Fisher) bouleverse l’équilibre déjà fragile du groupe. Le Demogorgon attaque Karen et Ted Wheeler, enlève leur fille et ouvre une faille directement dans la chambre de l’enfant. Mike Wheeler (Finn Wolfhard) et Nancy Wheeler (Natalia Dyer) découvrent que l’ami imaginaire de Holly, Mr. Whatsit, est lié à Henry Creel (Jamie Campbell Bower), identité humaine de Vecna. Will comprend alors que ses visions précédentes proviennent du point de vue de Henry et qu’il peut désormais identifier ses futures victimes. Cette capacité transforme Will en élément central de la stratégie du groupe.
Les épisodes suivants exposent le véritable projet de Vecna. Après avoir utilisé Derek Turnbow comme appât, il enlève plusieurs enfants qu’il qualifie de « vaisseaux parfaits ». Max Mayfield (Sadie Sink) révèle à Holly que l’espace nommé Camazotz correspond aux souvenirs de Henry, un lieu mental où elle se trouve bloquée depuis sa mort temporaire. Vecna annonce vouloir employer ces enfants pour remodeler le monde. Lors de l’assaut de la base militaire, Will libère des pouvoirs psychiques et élimine plusieurs Demogorgons afin de sauver Mike, Lucas Sinclair (Caleb McLaughlin) et Robin Buckley (Maya Hawke), confirmant une mutation profonde de son rôle dans la série.
Les préparatifs de l’épisode 7
L’épisode 7, intitulé The Bridge, repose sur une opération à double niveau. Dustin Henderson (Gaten Matarazzo) établit que l’Upside Down n’est pas une dimension parallèle mais un passage vers un autre monde nommé l’Abyss. Max confirme que le plan de Henry consiste à fusionner l’Abyss avec le monde réel, en utilisant les enfants comme relais psychiques. Cette révélation impose une action simultanée dans plusieurs espaces.
Jim Hopper et Steve Harrington (Joe Keery) proposent alors une stratégie risquée : rapprocher volontairement les dimensions afin de permettre à Eleven et Kali (Linnea Berthelsen) d’affronter Henry dans l’Abyss, pendant que le reste du groupe doit détruire l’Upside Down. Kali avertit Eleven que cette confrontation peut conduire à leur mort. En parallèle, Holly se retrouve prisonnière dans la maison de Henry, subit des violences après avoir tenté d’alerter les autres enfants, alors que Derek choisit le silence pour protéger sa famille. L’épisode se conclut sur l’union psychique de Henry avec les douze enfants, tous plongés dans un état de transe, point de départ direct du plan final.
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L’énigme du « Needle Drop » de l’épisode 8
Lors de l’avant-première mondiale de la saison 5 en Californie, les créateurs de la série ont attisé la curiosité des fans concernant la bande-son du grand final. Interrogé par Entertainment Weekly sur la présence d’un morceau capable de rivaliser avec l’impact de Kate Bush, Matt Duffer a confié :
« Je ne sais même pas comment on pourrait teaser un morceau ? Cette année, je dirai qu’il y a une chanson dont je suis particulièrement fière. Elle est dans le final. Elle n’a jamais été utilisée dans une série télévisée auparavant. Je pense que grâce à Kate Bush, nous avons pu obtenir les droits. En temps normal, ils ne nous auraient pas autorisés à les avoir, donc je pense que c’est un ‘needle drop’ épique. »
Cette déclaration suggère que le succès planétaire de la saison précédente a servi de levier de négociation inespéré. En associant la fierté créative à la difficulté d’obtention des droits, les Duffer confirment que la musique ne sera pas un simple fond sonore, mais un pivot de la mise en scène. Ils évoquent ainsi un ‘needle drop‘ épique, un terme technique désignant l’utilisation d’un morceau préexistant qui, par sa force émotionnelle, transforme radicalement l’impact d’une séquence. Le fait que le titre n’ait jamais été entendu sur le petit écran renforce l’idée d’un groupe extrêmement sélectif, dont le catalogue est verrouillé par des exigences artistiques strictes.
La bataille des licences
Dans l’industrie audiovisuelle, utiliser une œuvre musicale célèbre est un parcours semé d’embûches. Les artistes et les ayants droit exercent un contrôle rigoureux pour éviter que leurs morceaux ne soient dénaturés ou associés à des projets ne correspondant pas à leur éthique. Ces refus sont fréquents et ne dépendent pas toujours de la puissance financière des studios. Il s’agit souvent de protéger l’intégrité émotionnelle d’une chanson qui appartient au patrimoine culturel mondial. C’est particulièrement vrai pour les formations de rock et de rock progressif, qui se montrent extrêmement protectrices envers la cohérence artistique de leur catalogue.
L’histoire de la pop culture regorge de ces rendez-vous manqués. Les cinéastes se heurtent parfois à des blocages idéologiques ou contractuels, obligeant à des changements de dernière minute. Ces décisions rappellent que la musique est un outil de contrôle pour l’artiste, une manière de s’assurer que l’émotion transmise reste fidèle à l’intention originelle. Sans un accord total sur le contexte narratif, la licence reste inaccessible.
Pour les frères Duffer, obtenir l’accord d’un groupe iconique après des années de refus systématiques montre que le projet de Stranger Things a acquis une crédibilité artistique suffisante. Le précédent créé par la mise en avant de la musique complexe dans les saisons précédentes a prouvé aux détenteurs de droits que leur œuvre serait traitée avec le respect nécessaire pour une diffusion internationale.
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Le phénomène Kate Bush : Un talisman pour la série
Le retour en force de Running Up That Hill en juin 2022 a marqué un tournant dans l’industrie. Trente-sept ans après sa sortie originale sur l’album Hounds of Love, le titre de Kate Bush a atteint le sommet des classements mondiaux. La série a utilisé ce morceau new-wave comme un élément narratif concret : un talisman protecteur pour Max Mayfield contre l’emprise de Vecna. Cette intégration organique a permis à l’artiste de battre des records de longévité et de devenir l’artiste féminine la plus âgée à atteindre la première place du podium britannique.
Submergée par l’affection du public, Kate Bush avait elle-même salué le courage des frères Duffer. Elle a souligné leur capacité à amener la série vers des territoires plus adultes et sombres, plaçant sa chanson dans l’arène émotionnelle de la peur et du conflit. Cette synergie a démontré que la télévision pouvait offrir une seconde vie à des classiques, en les faisant découvrir à une nouvelle génération de jeunes spectateurs confrontés à leurs propres difficultés.
L’impact a été tel que le titre a dominé les charts en Australie, en Suède et aux États-Unis, dépassant l’influence des reprises précédentes, notamment celle de Placebo en 2003. Cette réussite a prouvé aux autres légendes de la musique qu’une collaboration avec les Duffer pouvait transformer un morceau patrimonial en un événement culturel contemporain. C’est ce succès qui a ouvert les portes des catalogues les plus protégés de l’histoire du rock.
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L’ombre de Pink Floyd sur l’opération « Beanstalk »
La possibilité d’entendre Pink Floyd dans l’ultime épisode repose sur un indice sonore précis niché au cœur de l’épisode 7. Lors d’une scène, Mike Wheeler présente à Robin Buckley la bombe artisanale destinée à détruire le passage entre les mondes. Le déclencheur est couplé à une platine vinyle en rotation. Mike explique que l’explosion surviendra lorsqu’un câble touchera une figurine de guerrier posée sur le disque en mouvement. Cette mise en scène place la musique au centre physique de l’acte final : le disque est littéralement la mèche de l’opération.
Le dialogue entre les deux adolescents oriente les attentes du spectateur. Robin s’interroge sur le choix musical, craignant que le groupe de rock américain Butthole Surfers ne soit pas adapté pour « faire exploser le monde à l’envers ». Elle impose une condition stricte : pour sauver le monde, le disque doit être exceptionnel. Mike défend son choix, mais la remarque de Robin suggère que la bande-son doit atteindre une dimension solennelle et grandiose, excluant toute ironie.
Ce choix de mise en scène renforce l’idée d’un titre de 1987, année où se déroule l’action. Pink Floyd, avec la sortie de l’album ‘A Momentary Lapse of Reason‘ cette année-là, correspond parfaitement à cette chronologie. La structure même de la bombe, où la musique précède et provoque l’événement, indique que le morceau choisi accompagnera la montée en tension jusqu’à la rupture entre les dimensions.
L’absence de ce groupe dans les productions télévisuelles, soulignée par les créateurs, s’accorderait avec la réputation de Pink Floyd, connu pour être extrêmement sélectif et pour n’autoriser que très rarement l’utilisation de ses morceaux dans des séries télévisées. Un accord exceptionnel pour le final de Stranger Things constituerait l’aboutissement de la stratégie entamée avec Kate Bush. Le groupe britannique apporterait cette dimension atmosphérique nécessaire pour clore le cycle de l’Abyss.
Trois titres pour une destruction finale
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Another Brick in the Wall
Si les frères Duffer ont jeté leur dévolu sur Pink Floyd, trois morceaux se distinguent par leur structure et leur sens. Le premier, Another Brick in the Wall (Part II), sorti en 1979, reste l’option la plus frontale. Les paroles dénonçant le contrôle de la pensée et l’oppression institutionnelle entrent en résonance avec le combat des enfants contre Henry Creel. « All in all you’re just another brick in the wall » pourrait illustrer la chute de la structure psychique de Vecna et la démolition physique du pont séparant les univers. Toutefois, opter pour ce morceau manquerait de panache, tant il figure parmi les titres de Pink Floyd les plus ancrés dans la culture populaire.
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Learning to Fly
Le second candidat, Learning to Fly, est le titre phare de l’année 1987. Sa thématique du saut dans l’inconnu et du détachement du sol – « A soul in tension that’s learning to fly » – s’adapte idéalement à une séquence de sacrifice ou de transformation. Sa montée progressive, marquée par des nappes de synthétiseurs et une guitare aérienne, possède la texture émotionnelle recherchée par les réalisateurs pour porter une scène de clôture où les protagonistes acceptent de ne pas revenir.
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Sorrow
Enfin, Sorrow, également issu de l’album de 1987, propose une approche beaucoup plus sombre et tragique. Les paroles évoquent un monde disparu, des promesses brisées et une « intimation sinistre de ce qui va être ». C’est une œuvre lente et funèbre, portée par une guitare pesante. Elle serait le choix privilégié si l’épisode 8 choisissait de conclure sur le deuil et la mélancolie d’un monde sauvé, mais marqué par des pertes irréversibles. C’est également notre choix préféré.
Des alternatives de légende
Si les négociations avec Pink Floyd n’avaient pas abouti, d’autres monuments de la musique pourraient occuper cet espace stratégique. Stairway to Heaven de Led Zeppelin (1971) est l’un des titres les plus protégés de l’histoire. Sa progression légendaire, partant d’une flûte médiévale pour finir sur un solo de rock explosif, conviendrait à la destruction du pont. Les paroles évoquant « une dame qui achète un escalier pour le paradis » et des « anneaux de fumée à travers les arbres » font écho aux paysages de l’Upside Down.
Une autre piste mène vers Another One Bites the Dust de Queen (1980). Le morceau, porté par une ligne de basse obsessionnelle, a déjà été au centre de refus de droits célèbres par le passé. Son énergie rythmique et son titre évocateur (« Un autre mord la poussière ») pourraient accompagner une séquence d’action plus nerveuse, marquant l’élimination systématique des forces de Vecna durant l’assaut final.
Cependant, au regard des ambitions narratives affichées pour ce dénouement simultané au cinéma et sur Netflix, le choix de Pink Floyd semble le plus apte à offrir cette conclusion mythologique attendue par des millions de fans.
Une conclusion mythologique
La résolution du conflit entre Hawkins et l’Abyss nécessite une œuvre capable de porter le poids d’une décennie de narration. Que les frères Duffer aient jeté leur dévolu sur le rock atmosphérique de Pink Floyd ou qu’ils surprennent le public avec un autre monument de l’histoire de la musique, le rendez-vous du 1er janvier marquera la fin d’une époque pour Netflix.
Le succès de cette opération « Beanstalk » ne se mesurera pas seulement à la destruction du pont entre les mondes, mais à la capacité de la série à transformer, une dernière fois, un morceau patrimonial en un événement culturel mondial.











