AccueilDVD / Blu-Ray La Loi du Marché : Marche ou Crève

[CRITIQUE] La Loi du Marché : Marche ou Crève

La Loi du Marché, film de Stéphane Brizé avec Vincent Lindon, est sorti plus tôt cette année. Après un passage à Cannes et d’innombrables critiques – dithyrambiques pour l’immense majorité – c’est l’heure de la sortie DVD.

Petit rappel : La loi du marché c’est l’histoire de Thierry, quinquagénaire qui se retrouve au chômage suite à un licenciement économique. Après presque deux ans à chercher un emploi, promené et humiliés par (liste non exhaustive) : sa banquière, son conseiller pôle emploi, ses paires, des inconnus, il finit par accepter un emploi de vigile dans un supermarché.

Ceci n’est pas (vraiment) un film

Peut-être est-ce parce que j’ai vécu (et continue de vivre) l’humiliation du chômage et de la précarité. Peut-être est-ce parce que Stéphane Brizé orchestre avec maestria le bal d’une société malade. A moins que ce ne soit Vincent Lindon qui porte le poids du monde sur ses épaules. Ou serait-ce le fait que tous les autres protagonistes soient des amateurs qui jouent leur propres rôles ?
Toujours est-il qu’il transpire de La loi du marché un sentiment de non-film ; comme une abnégation de la fiction. Si son réalisateur revendique avoir fait une « fiction documentaire » mon ressenti de spectateur va au-delà de ce simple concept.
Ce que j’ai vu dans La loi du marché est d’une rare violence. D’une part parce qu’il reflète une image de moi que je déteste (celle du moi chômeur) et d’autre part parce qu’il prend soin de ne jamais embellir ni dramatiser la réalité. Elle est là, nue et immonde ; dégueulasse dans son absence de repère et de justice.

Thierry se bat et se débat, tentant de respecter la norme dans laquelle il évalue. Il ploie mais ne rompt pas. Pourtant le système social n’a de cesse de l’enfoncer – jusqu’à ce que se pose à Thierry un problème d’éthique.

En cela La loi du marché est plus proche d’un pamphlet sur la société que nous avons créé et dont nous huilons les rouages en espérant qu’ils ne nous broieront pas (ou en se persuadant que ça n’arrive qu’aux autres). Dès lors il est difficile de juger de ce film comme d’une banale fiction. Ainsi certains des artifices utilisés (particulièrement la caméra portée à la Strip Tease) m’auraient horripilés dans tout autre film. Cependant, ces procédés voyeurs sont indéniablement entrés en résonance d’une certaine façon avec mon vécu. J’ai donc abordé la loi du marché complètement désarmé.

Chute libre

Toute la puissance du film de Stéphane Brizé réside dans son absence de compromis face à une situation de l’emploi alarmante. Comment envisager un système dans lequel l’emploi se raréfie mais demeure malgré tout la norme, la nécessité vitale. Pas de boulot = pas de location, pas de prêt, pas d’argent et… pas de fierté.

C’est ce qui m’a le plus convaincu dans la prestation de Vincent Lindon : sa capacité à traduire toute la violence du chômage, cette image faussée qu’ont les autres et qui finit par se refléter en nous. Jusqu’au dégoût de soit. A ce titre la scène du cours de danse ou de l’atelier Pôle Emploi sont criants de vérités et de sous-entendus.

De la même façon que cet écrasant sentiment d’acharnement. Comme si la société en voulait personnellement à Thierry, le poussant toujours un peu plus à bout.
Jusqu’à la fin du film, La loi du marché aurait pu être la préquelle de Chute Libre.

Bonus : elle est courte mais bonne

Niveau bonus, l’éditeur à choisi de faire simple mais efficace. Un entretien de 16′ avec le réalisateur qui nous parle de son film et le décortique autant que faire se peut en un quart-d’heure. Très intéressant.

Plus dispensable, quoique plus émouvant, l’intervention de Vincent Lindon à Cannes. Entre larmes et remerciements.

Enfin, et c’est probablement le bonus le plus intéressant, un entretien avec Claude Halmos, psychanalyste, auteure du livre Est-ce ainsi que les hommes vivent ?. Là, c’est une petite perle, puisque Claude Halmos analyse le film à la lumière de son expertise, notamment en matière de trauma liés au travail et à l’absence de travail. Elle revient aussi sur la dichotomie faussée entre la sphère personnelle et la sphère professionnelle. Rien que pour ces 16′ d’entretien, l’achat du DVD est plus que recommandable.

Restez connectés avec nous sur les réseaux sociaux pour découvrir toutes les news cinéma et les dernières critiques cinéma.

Votre soutien est important pour Eklecty-City, retrouvez toutes les actualités pop culture sur les réseaux sociaux : Facebook, Threads, Instagram, Twitter.

Vous avez aimé ? Partagez :

Colin
Colin
Chroniqueur graphique névrosé, passionné de cinéma de bourrinage vidéo-ludique et de Russ Meyer.

Sur le même sujet

LAISSER UN COMMENTAIRE

Veuillez saisir votre commentaire !
Veuillez entrer votre nom ici

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur comment les données de vos commentaires sont utilisées.