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[CRITIQUE] Juste la Fin du Monde : On choisit pas sa famille

Deux ans après Mommy, qui acheva de consacrer le jeune réalisateur comme l’un des plus doués de sa génération, Xavier Dolan remet le couvert pour l’adaptation de la pièce de théâtre « Juste la Fin du Monde ». Délaissant ses contrées québécoises habituelles, il s’entoure d’un casting très franco-français et revisite la thématique du repas de famille qui vire en eau de boudin.

Au cours d’un week-end, Louis rend visite à sa famille qu’il n’a pas vu depuis de longues années, trop occupé par sa carrière. Alors qu’il compte leur annoncer sa grave maladie ainsi que sa mort imminente, les vieilles rancœurs surpasseront la joie de se revoir et ce repas se fera sous le poids d’un malaise ambiant.

De Festen à un Air de Famille, au cinéma, le repas dominicale a souvent été propice à faire éclater les non-dits familiaux. En partant de ce postulat, Xavier Dolan va explorer le parti-pris inverse. Et si l’incapacité à communiquer des personnages était telle que le repas de famille, au lieu de constituer une tribune, devenait une prison ? Car là est tout l’enjeu de « Juste la Fin du Monde ». Louis doit parler, se confier et créer des liens. Mais la maladresse, l’incompréhension et le manque d’écoute des uns et des autres l’en empêche. En ce sens, Juste la Fin du Monde est un film profondément humain et explore toute la complexité des sentiments nous empêchant de nous comprendre pleinement les uns les autres. Plus que les secrets, c’est les caractères qui s’entrechoquent au sein de ce film. L’insouciance des uns, la jalousie des autres, l’égocentrisme ou la timidité, sont autant de barrières qu’il faudra réussir à faire tomber pour se comprendre. Un brin amère, la fin du film nous aiguillera vers un aveu d’échec. Un constat sombre dans lequel l’humain a toutes les peines du monde à communiquer et à se faire comprendre.

Pour parvenir à dresser aussi superbement cette palette éclectique d’émotions, le jeune réalisateur a su s’entourer de la crème du cinéma français. Si des gens comme Nathalie Baye ou Vincent Cassel n’ont plus grand chose à prouver, il convient d’avouer que le plus grand talent de Xavier Dolan est de savoir tirer la quintessence de chacun de ses acteurs. Gaspard Ulliel, véritable pivot central du métrage, arrive à doser avec exactitude toutes les nuances des turpitudes de son personnage. Parfois effacé, parfois maître de lui-même mais constamment perdu dans cet univers familial qu’il peine à posséder. Léa Seydoux, également, n’aura jamais été aussi rayonnante que dans ce film – beaucoup plus que dans ses affres américaines ou elle endosse sereinement le rôle de faire valoir sans trop se fouler. Mais c’est Marion Cotillard qui livre un véritable rôle de composition. Jamais l’on ne l’aura vu aussi timide et effacée. Aussi fragile et forte à la fois que dans ce rôle de femme au foyer servant autant de témoin que de trait d’union à cette famille qui s’entre-déchire pour des broutilles.

Juste-la-Fin-du-Monde-Marion-Cotillard-Vincent-Cassel

Abandonnant ses expérimentations formelles et ostentatoires – on se rappelle encore de ce format 1.1 m’as-tu vu de Mommy –, Xavier Dolan livre une réalisation incroyablement sensorielle. Transcendant son matériel d’origine – une pièce de théâtre –, il évite ainsi l’écueil des dialogues filmés. En accord avec son propos, ce n’est pas tant les paroles qui intéressent le réalisateur – les mots ne sortant pas, mais plutôt les actes. Avec une sensualité folle, Xavier Dolan capte la tendresse d’un regard, les souvenirs dans l’odeur d’un matelas ou l’agacement d’un craquement de main. Au sein d’un cadre ultra-serré, il emprisonne ses spectateurs et les prend au piège comme l’est son personnage principal. De cette mise en scène stylisée et efficace résulte un sentiment de malaise et un inconfort extrêmement prégnant. Il faut bien l’avouer, même si le film est d’une beauté à couper le souffle, survivre à ce repas de famille ne sera pas une partie de plaisir.

Seconde adaptation théâtrale du jeune québécois après le mésestimé « Tom à la Ferme », « Juste la Fin du Monde » est une réussite. En réalité, jamais Xavier Nolan n’est aussi bon que lorsqu’il travaille à partir du texte d’un autre. Beaucoup moins nombriliste, le jeune réalisateur met de coté ses thématiques de prédilections et parvient à en tirer une œuvre à la portée beaucoup plus universelle. Plus sobre, soutenu par des acteurs talentueux et une photographie incroyablement magnétique, « Juste la Fin du Monde » est un petit malaise qu’il fait bon de vivre. Tellement, que l’on oserait même presque dire que Xavier Dolan a signé ici son meilleur film à ce jour.

Dois-je l’intégrer à ma vidéothèque ?

Une fois n’est pas coutume le DVD est tout ce qu’il y a de plus correct d’un point de vue technique. L’encodage est bon et les tonalités bleuâtres de la photo du film sont correctement retranscrites.

Niveau bonus, cette édition parachèvera le film par deux compléments sympathiques :
– Le discours donné par Xavier Dolan lors du festival de Cannes de 2016
– Un entretien complet des acteurs du film (Gaspard Ulliel, Vincent Cassel, Nathalie Baye et Léa Seydoux) animé par Laurent Weil.

Des morceaux d’émission pas inédits mais qui auront le mérite d’explorer un peu plus en profondeur le film pour les intéressés qui les auraient raté.

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Quentin
Quentin
Vidéaste compulsif et cinéphile pointilleux. Croit fort aux pouvoirs évocateurs des mythes cinématographique. L’étude des monstres, des freaks, des extra-terrestres et des super-slips n'est plus un secret pour lui.

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