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[CRITIQUE] Grave : De l’aile ou de la cuisse

Difficile d’écrire une critique hostile à l’égard de Grave, le premier film de Julia Ducournau. En effet, ce dernier est un OVNI, tellement rare au sein du paysage cinématographique français que l’on a une seule envie : Prendre soin de lui et le chérir contre vent et marée. Et pourtant. Malgré toute cette hype bienveillante, il y en aurait des choses à redire…

Pour son premier long métrage – en fait pas vraiment, la belle a déjà réalisé un téléfilm – Julia Ducournau a choisi de parler de ce qu’elle connaît. Fille de gynécologues, fan de David Cronenberg, cette dernière abordera la puberté féminine, le rapport au corps, la sexualité au sein d’un milieu qui lui est presque familier. Une école vétérinaire.

L’histoire, c’est celle de Justine, 16 ans qui rentre en école préparatoire afin de suivre – comme sa sœur aîné – la même carrière que ses parents. Végétarienne pure souche, cette dernière n’a jamais mangé de viande de sa vie. Au cour d’une séance de bizutage, sa propre sœur – Alexia – n’hésite pas à l’inciter à dévorer de la viande crue en guise d’initiation. De cet événement, la vie de Justine va basculer et l’acte va révéler chez elle sa véritable nature.

En sortie de séance de Grave, un sentiment étrange nous envahit. Celui d’avoir assisté à la naissance d’une véritable créatrice qui prisonnière de ses aînés, se chercherait encore. Commençons par distribuer les bons points. Il y a quelque chose de véritablement fascinant dans le parcours initiatique de la jeune Justine. Le fait d’avoir placé l’action dans une école vétérinaire pendant la période de bizutage contribue à l’ambiance tendue et malsaine. En bonne petite élève de la FEMIS, Ducournau travaille ses cadres, ses lumières, son image. Plastiquement le film est sublime. Pas vraiment film d’horreur, la réalisatrice évite aussi l’écueil du trash à outrance.

La réputation du film est extrêmement surfaite à ce niveau. Quelques scènes rebuterons les moins aguerris mais on est loin du Martyrs de Pascal Laugier. En fait, Grave pourrait presque être le versant gore d’American Pie. On pense également à Kim Chapiron et à la Crème de la Crème. Lui aussi pervertissait le teen movie afin d’en tirer – dans son cas – une version satirique. L’équilibre entre les séquences chocs, l’humour – parfois potache, genre la main dans le cul d’une vache ou un concours de pipi debout – et la fable initiatique est assez bien dosé.

Dans le rôle de Justine, la jeune Garance Marillier s’en sort à merveille. Mais s’est finalement Ella Rumpf – campant Alexia, l’aîné – qui vampirise – c’est le cas de le dire – l’écran. Enfin, la musique très 80’s – lorgnant abondamment sur John Carpenter – de Jim Williams achève d’emballer le tout de fort belle manière.

Alors qu’est ce qui cloche dans Grave ? Pourquoi malgré cette application exemplaire dont fait preuve sa réalisatrice, il convient de prendre le film avec quelques pincettes ?

Déjà parce que le problème de Julia Ducournau est que sa posture n’apparaît pas pleinement sincère. On aura beau rétorquer que son premier film, Mange, portait déjà les stigmates préfigurant Grave : Difficile de ne pas voir dans l’œuvre un hold-up marketing savamment orchestré.

Passons sur la distribution peu orthodoxe, voyant le film tourner un an en festival afin de se faire une belle réputation pour finalement sortir de façon simultané en France et au US. Concentrons nous plutôt sur ce que nous propose ces 99 minutes de bobines. Un peu d’Argento par-ci, de Cronenberg par là… Des jeunes femmes en fleur qui se cherchent et s’assument. Un homosexuel. Et surtout, ce qu’il faut d’images chocs pour aguicher et faire parler. Quitte à en frôler la complaisance. Ainsi on s’interrogera régulièrement sur la nécessité et la logique de certaines scènes. Quid de cette séquence ou Justine vomit des kilomètres de cheveux ? Quid de ce personnage de routier cradot – joué par Bouli Lanners, caution Belge du film vu que ce dernier y est tourné – qui apparaît le temps d’une réplique aussi outrancière qu’inutile? Maladresse d’écriture ou envie de se faire plaisir ? Dans les deux cas, la légitimité de ces vignettes ne s’imposait pas. Pire, l’impression que ces dernières sont là uniquement pour caresser les festivaliers dans le sens du poil ne nous quitte pas.

Mais le réel soucis du film est que malgré tout ses efforts pour sortir de la masse, on a déjà vu ça ailleurs. Qu’il s’agisse de l’angle d’attaque ou de la thématique, tout a déjà été mainte et mainte fois usité dans le petit monde du cinéma bis. On pourrait citer Excision de Richard Bates Jr par exemple. Mais c’est surtout le Ginger Snaps de John Fawcett qui – quand on connaît le film – provoque un véritable trouble. Tout les éléments de l’œuvre de Fawcett se retrouve dans Grave. La puberté, la relation conflictuelle entre les deux sœurs et même l’élément centrale du métrage… Remplacez les loups-garous par du cannibalisme et Grave devient une version auteurisante de Ginger Snaps. Même le choix de Garance Marillier porte à confusion tant sa ressemblance physique avec Emilie Perkins – l’héroïne de Ginger Snaps – est flagrante. Alors de là à qualifier Grave de plagiat, il n’y a qu’un pas à faire que nous ne franchirons pas. En revanche, il convient de tempérer très largement l’engouement que le film suscite tout autours de lui.

Certes Grave est un premier film prometteur. Mais loin d’être un coup de maître il reste un premier film. Habilement habillée et marquetée, nul doute que l’œuvre de Julia Ducournau séduit les festivaliers puisque tout semble agencé pour leur faire plaisir. Pur produit d’appel pour une cinéaste en devenir, Grave porte en lui de trop nombreuses maladresses et approximations. Son originalité est toute relative et son intérêt proportionnellement vain. Dommage qu’avant de faire un film d’auteur – le Graal du cinéma français – l’apprentie cinéaste n’ait pas plutôt choisie de faire un film de genre. Reste que Grave – véritable œuvre bicéphale – est une anomalie dans le paysage cinéphilique français actuel. Alors c’est certains que, au milieu des films de Kev Adams, Christian Clavier ou Danny Boon, il serait dommage de s’en passer.

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Quentin
Quentin
Vidéaste compulsif et cinéphile pointilleux. Croit fort aux pouvoirs évocateurs des mythes cinématographique. L’étude des monstres, des freaks, des extra-terrestres et des super-slips n'est plus un secret pour lui.

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