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Mémoires d’un Junkie Dl’a Zik #15

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Reagan Youth

En 2009, il est vraiment impossible de se moquer du monde, au sens propre. Impossible de s’aventurer aujourd’hui dans des traits d’humour jouant avec la religion, la politique, le racisme sans en donner le mode d’emploi avant.

Impossible d’être politiquement incorrect, ou d’utiliser une forme d’expression radicale pour dénoncer justement l’idiotie des mouvements extrémistes de tous bords. C’est ce qu’arrive à faire Sacha Baron Cohen dans Brüno, en citant Hitler comme un héros incompris de l’autriche, ou en confondant le houmous et le hamas, ou même en France un film comme OSS117, mais aujourd’hui, pour utiliser ce genre d’humour il faut montrer patte blanche. Chaque communauté a le droit de se moquer de sa propre communauté, mais ça s’arrête là. On peut dénoncer ses propres travers, mais plus ceux des autres, au risque d’être traité d’extrémiste, de raciste, d’anti-ceci ou cela.

Et cerise sur le gâteau, impossible aujourd’hui de détourner les codes visuels des extrémistes, de les utiliser, de les imprimer, de les détourner. On a perdu tout recul, tout sens de la dérision, à la moindre vue d’un type déguisé en Hitler, ou à la moindre blague incluant une communauté religieuse, sans appuyer lourdement votre propos pour dire que vous ne cautionnez pas le personnage que vous singez, vous êtes aussitôt accusé de faire l’apologie de la haine, peut importe le discours, ou le sous entendu. Si les Monthy Python ou Desproges pouvaient le faire, aujourd’hui peu de gens ne se risqueraient à ce genre de blague satirique.

Il y a eu un groupe, qui au début des 80’s a pourtant construit son image uniquement sur cette mécanique. Utiliser ironiquement les images les plus politiquement incorrectes pour appuyer son discours. Mais est-ce qu’on sait encore ce que c’est que l’ironie aujourd’hui ?

Reagan-Youth-Original-Covers

Ironique est déjà le nom du groupe : Reagan Youth, inspiré de Hitler Youth (Jeunesse Hitlérienne pour les anglophobes), comme si ils étaient totalement dévoués a la cause du président des Etats Unis de l’époque. Et pourtant, à l’instar de Dead Kennedys à l’époque, le groupe va au fil de son seul et vrai album se moquer de tout ce que l’Amérique bien pensante et conservatrice représente de plus détestable.
Les morceaux sont bons, simples, et les paroles brutes. Ce n’est évidement pas de la grande poésie, c’est très 1er degré , mais le contexte dans lequel cette scène écolue s’y prête parfaitement. Et puis, entre nous, il y a plus de vérité, de vécu et de cran dans une phrase de Reagan Youth que dans n’importe quel paroles de groupe de « musique équitable » à la Tryo, nous déversant des idées toutes faites sur Bush ou la misère dans le monde qu’ils ont du écrire en regardant BFM tv.

Bref, dans une Amérique conservatrice et propice a l’explosion de musiques extremes, comme le hardcore et le punk, Reagan Youth va trouver une façon assez singulière de se démarquer, utiliser des photos et des iconographies du Ku Klux Klan ou du 3e Reich pour leurs pochettes de disques, leurs flyers, etc etc. Chose assez impensable aujourd’hui ou tout le monde affiche ses opinions de la manière la plus simple et ostentatoire possible afin de ne laisser aucune place à l’interrogation, la réflexion, le doute, et donc l’ironie.
Certains diront que David Rubinstein le frontman du groupe, était légitime dans le propos, étant juif et ses parents rescapés de l’holocauste, mais ce serait une remarque très 2009. Toute cette imagerie, n’était pas utilisée barrée de grand « X » rouge, ou de « Fuck Machin « , non elle était utilisée telle quelle, dans le but d’interpeller, dans une démarche artistique totale. le groupe ira même jusqu’a se laisser pousser les cheveux et un look quasi hippie, tranchant completement avec l’image Skinhead du mouvement hardcore de l’époque et encore plus en rupture avec leurs visuels.

Même si la carrière du groupe ne fut pas des plus prolifique avec un seul véritable album au compteur, Youth Anthems for the New Order, (ce qui se passera apres 90 est plus anecdotique, et on passera la reformation actuelle sous silence), Reagan Youth par cette imagerie, un discours radical et des très bons live a été un groupe majeur de cette scène « early-hardcore » et des groupes comme les Beastie Boys n’ont eu de cesse que de répéter au fil des ans l’influence qu’a eu Reagan Youth pour eux, voire meme de reprendre des titres en live.

La suite de l’histoire est moins réjouissante, le groupe a véritablement vécu jusqu’en 1988, date à laquelle Reagan quitte la maison blanche, et David « Insurgent » Rubinstein, heroin addict, se suicidera en 1993, après la mort de sa mère, et après que sa petite amie de l’époque fut retrouvée morte à l’arrière du camion du tueur en série Joel Rifkin.
Quoi qu’il en soit, David Insurgent a su utiliser habilement les mots et les images des partis et des groupes politique les plus extremes dans un sarcasme, et un sens satirique assez joussif. Même si son impact reste limité à une sphère et un genre musical, rare sont ceux qui s’aventureraient dans ce genre de démarche artistique aujourd’hui de peur que les gens ne s’arrêtent qu’au premier degré de lecture. Et dans ce monde de zapping permanent et de profusion d’images, plus personne ne va vraiment regarder sous la couverture, on s’arrête généralement à ce qu’on voit en surface. Les méchants ont des costumes de méchants, et les gentils ont des tongs avec des guitares sèches.

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