À l’aube de Death Stranding 2, Hideo Kojima évoque la mort, l’héritage, ses peurs et l’urgence de créer avant qu’il ne soit trop tard.
Alors que Death Stranding 2 : On the Beach sort ce mois-ci, Hideo Kojima s’ouvre dans une interview poignante pour GQ. À 61 ans, le créateur visionnaire de Metal Gear Solid livre un regard rare sur la finitude, ses limites et son avenir.
Tout commence par un épisode de santé alarmant pendant la pandémie : ‘Je pensais que je ne pourrais jamais me rétablir‘ confie-t-il. ‘J’avais l’impression de ne plus jamais pouvoir créer de jeu.‘ Il admet même : ‘J’ai un peu compris pourquoi des gens se suicident. C’était la fin du monde.‘
C’est à ce moment-là qu’il écrit toutes ses idées et les confie à son assistante personnelle, ‘comme si c’était mon testament.‘ Privé même de films – une passion quotidienne -, Kojima vit un effondrement physique et mental. ‘Je ne pouvais pas regarder de films ni de séries. Je ne pouvais pas sortir. Je souffrais énormément des yeux.‘ Une opération aggravera son état, au point qu’il alterne ‘entre dix paires de lunettes‘ avant un festival.
Malgré sa guérison partielle, le choc reste ancré. ‘Je me sens nerveux. Je me sens pressé. J’ai encore tellement de choses que je veux faire – que je dois faire.‘
Le poids du temps, l’obsession de l’héritage
L’indépendance n’a pas résolu l’angoisse existentielle : ‘Ce que je crains le plus, c’est le temps. J’ai peur de mourir et d’avoir la démence. Peur d’oublier sans m’en rendre compte.‘ Aujourd’hui, chaque décision pèse plus lourd : ‘Si je fais un truc trop étrange et que ça ne se vend pas, mon studio peut faire faillite. Je connais tout le staff. Je connais les familles du staff. J’ai ce fardeau sur les épaules.‘
Kojima sait que le compte à rebours est lancé. ‘Je pleurerai peut-être après avoir terminé Death Stranding 2. Peut-être pas… J’ai déjà le prochain projet.‘ Suivront OD avec Jordan Peele, Physint chez Sony, et un film Death Stranding produit par A24.
Une mémoire vivante, pas un héritage figé
Quand on lui demande s’il envisage de ‘passer le flambeau‘, il répond sans détour : ‘Je ne vais pas transmettre le bâton. Je vais plutôt l’écraser… Je n’ai pas besoin de donner ‘Hideo Kojima’ à quelqu’un.‘ Il voit plutôt son influence comme une étincelle : ‘Ils ont reçu mon petit feu. Ils ne me copient pas. Ils ne cherchent pas à être moi. Ils allument leur propre feu.‘
Un créateur hanté par le manque de temps
Death Stranding 2 explore aussi ce paradoxe : ‘L’une des phrases de la bande-annonce, c’est ‘On n’aurait pas dû se connecter.’‘ Il explique : ‘Si on se connecte uniquement par Internet, on perd quelque chose d’essentiel. La coïncidence et le déplacement sont vitaux. Les oiseaux migrateurs transportent des maladies, mais c’est ainsi qu’ils évoluent.‘
Quant à son avenir ? Il est lucide : ‘Je pense que je devrais réaliser un film après Physint, parce qu’après je serai trop vieux.‘ Et si son studio continue à faire des jeux pendant qu’il tourne ? ‘C’est mon idéal. ‘Hé, faites le jeu’, pendant que je pars tourner. Et je reviens pour un nouveau projet.‘
Un homme qui voulait ‘mourir en regardant un film’ veut maintenant ‘mourir en créant quelque chose’. Hideo Kojima accélère. Le temps presse.
