AccueilCinéma Night Fare : Tarif de nuit, la prochaine fois prends Uber

[CRITIQUE] Night Fare : Tarif de nuit, la prochaine fois prends Uber

Night Fare est le quatrième film de Julien Seri. C’est l’histoire d’un taxi vengeur, conduit par un croquemitaine qui en fait n’en est pas un, lancé à la poursuite de deux individus mystérieux qui en fait ne le sont pas, sur fond d’intrigue amoureuse qui en fait n’en est pas une.

J’aurai aimé aimer Night Fare. D’abord parce que le site soutient le film depuis l’annonce de sa mise en production. Ensuite parce que des projets français montés avec les crocs, ça mériterait d’être défendu : monter un film de genre en France nécessite courage et endurance. En cela je salue Night Fare.
Malheureusement, ces deux arguments ne suffisent pas et je ne pourrai recommander Night Fare sur le seul fondement que le cinéma de genre français à besoin d’être soutenu. Un tel soutient nécessite d’abord qu’il (re)trouve son identité et qu’il soit capable de proposer quelque chose de solide – peu importe le budget et les conditions de production.

Si Night Fare échappe à l’infâme syndrome du mauvais cul, il n’en est pas pour autant exempt des défauts du nouveau cinéma de genre.

Pornographie

A commencer par celui de faire un film pour le seul plaisir de faire de l’image. Cette envie irrépressible de « faire du plan » jusqu’à asséner inlassablement des inserts esthétisants (le compteur du taxi, une flamme sur fond noir, des top-shots du taxi…) et des plans de la voiture frisant la mécanophilie.

Les plans se multiplient sans raconter grand chose mais avec une envie d’esthétisation urbaine suffocante. Tout le film transpire le besoin de styliser une vie citadine fantasmée où n’évoluent que petites frappes, dealers, flics pourris et bobos cocaïnomane. Et plein de putes.

L’utilisation du personnage féminin dans Night Fare pourrait faire à lui seul l’objet d’un pamphlet. Toutes les filles (sauf la figure de l’ingénue) sont dépeintes comme des nymphomanes, objets n’existant que par leur sexualisation. Probablement une volonté de sublimer le corps féminin…
A cela s’ajoute la grosse bagnole (le taxi en question) et un chauffeur ultra violent. Je vous laisse libre d’en tirer toute conclusion pertinente ayant trait à la phallocratie / virilité prosthétique d’un certain cinéma.

Le film paye les frais de cette obsession de l’image, réussissant à désamorcer la traque centrale du film en la parasitant de gimmicks (les fameux inserts) et de choix purement formels.

Pourquoi-parce que

A mon sens, le plus gros défaut du film – qui découle directement de l’envie de « faire de l’image » – est que son scénario n’hésite jamais à prendre des raccourcis inimaginables, juste pour se faire kiffer.
Un personnage anglophone, pourquoi ? Parce que.
Un taxi qui semble avoir le pouvoir d’apparaître à tous les coins de rues, pourquoi ? Parce que.
Des flics ripoux, des putes, un compteur de taxi , pourquoi ? Parce que.
Une morale douteuse, pourquoi ? Parce que.
Un final contredit par le post générique, pourquoi ? Parce que.

A aucun moment l’histoire ne semble s’embarrasser à construire ses personnages. Night fare tente d’intéresser le spectateur en lui faisant miroiter une révélation finale (pourquoi est-ce que le british a disparu, laissant sa petite amie à son ancien pote ?) mais insiste tellement dessus, qu’après dix minutes de film tout enjeu est dissout. La nuit de son départ il s’est passé quelque chose d’important, mais rien ne donne l’envie de savoir de quoi il s’agit. Et le triangle amoureux ne fait qu’affirmer l’indifférence qu’éveillent les protagonistes.

Pourquoi ? Parce que Night Fare se permet tant de raccourcis ou d’improbables virages scénaristiques sans jamais se préoccuper de passer du coq à l’âne, que les enjeux potentiels finissent ensevelis sous un déluge de Pourquoi-parce que.

Attention spoiler !

Pourtant tout n’est pas à jeter dans Night Fare. L’idée originale de faire d’un chauffeur de taxi un croquemitaine urbain était intéressante. Il y avait de quoi faire un Maniac Cop version taxi de nuit qui aurait écumé une Île-de-France décrépie en quête de victimes.
Mais non.

Le pitch de Night fare est le suivant :

Après avoir accidentellement mis le feu à un clochard qu’ils tabassaient, deux jeunes fêtards amateurs d’alcool et de coke sont poursuivis par le descendant d’un culte de samouraïs vengeurs qui lutte contre le crime et l’injustice déguisé en taxi de nuit. Ainsi tout ce qui était vaguement intéressant dans Night Fare est parfaitement évacué par une séquence finale explicative du plus mauvais effet. La seule chose qui pouvait se passer d’explication nous est donc détaillée par le menu, révélant un besoin d’imposer une lecture binaire et candide du monde. Le comble pour un film de genre qui se réclame du thriller urbain.

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Colin
Colin
Chroniqueur graphique névrosé, passionné de cinéma de bourrinage vidéo-ludique et de Russ Meyer.

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