Après le rachat de Warner Bros par Netflix, les exploitants français s’organisent pour préserver la chronologie et l’exploitation en salle.
Après le rachat de Warner Bros Discovery par Netflix, puis la surenchère envisagée par Paramount et les débats politiques évoqués autour de Donald Trump, les exploitants français évaluent d’ores et déjà les conséquences possibles sur la diffusion en salle et sur la chronologie des médias. Les acteurs locaux relient immédiatement cette opération aux enjeux de fréquentation, de financement et d’accès au patrimoine cinématographique.
Les professionnels observent plusieurs risques concrets. D’abord la durée actuelle qui sépare la sortie en salle de la mise en ligne. Ensuite la capacité des salles à continuer d’attirer un public jeune. Enfin la gouvernance future du catalogue Warner et les choix de programmation que prendra la nouvelle maison mère.
Une inquiétude croissante sur les fenêtres de diffusion
Le secteur cinématographique français, déjà fragile face à une baisse de la fréquentation des salles, est particulièrement attentif aux décisions à venir concernant la chronologie des médias. Cette chronologie, qui impose un délai entre la sortie en salle d’un film et sa mise en ligne sur les plateformes, est un pilier du modèle économique français.
Richard Patry, président de la Fédération Nationale des Cinémas Français (FNCF), a exprimé ses préoccupations. Il a déclaré (via Variety) : « Nous riposterons », soulignant que la fédération s’opposerait fermement à toute modification qui nuirait à l’exploitation en salle. Il a également précisé que la question de la réglementation antitrust serait cruciale pour la viabilité du marché. « Nous espérons que les autorités de la concurrence aux États-Unis et en Europe examineront très attentivement les conséquences possibles de cet accord », a-t-il ajouté, faisant écho à l’inquiétude grandissante au sein de l’industrie cinématographique.
Marc-Olivier Sebbag, délégué général de la FNCF, a relevé que le paysage cinématographique actuel est bien plus complexe qu’il ne l’était lors de la fusion entre Disney et Fox. « Le paysage actuel ne ressemble en rien à celui qui prévalait lors de la fusion Disney Fox ; Netflix détient une part significative du marché du streaming et Warner Bros Discovery représente déjà un groupe intégré de grande envergure », a-t-il commenté.
Le rôle historique de Warner Bros en France
Warner Bros occupe une place particulière dans le cinéma français, non seulement en tant que producteur de grands succès commerciaux, mais aussi en raison de son rôle historique dans la culture cinématographique européenne. « Warner Bros a toujours affiché une ligne éditoriale claire et il livre des succès qui plaisent aussi aux cinéphiles », a expliqué Richard Patry, rappelant que le studio a longtemps été dirigé en France par Iris Knobloch, aujourd’hui présidente du Festival de Cannes.
De plus, la contribution de Warner Bros à l’archivage du patrimoine cinématographique reste un point sensible. En effet, les salles françaises comptent sur ce catalogue pour des projections patrimoniales et des initiatives éducatives destinées à transmettre l’histoire du cinéma aux nouvelles générations. Patry a fait remarquer que « Warner Bros a généreusement permis aux cinémas français de projeter des films emblématiques pour former les jeunes publics, et nous ne savons pas si cette tradition se poursuivra avec Netflix ».
La réponse prudente des exploitants
Certains acteurs du secteur, comme Laure de Boissard, directrice générale de Pathé Cinéma, ont exprimé un certain optimisme face à cette évolution. « Je suis optimiste, car une opération de cette échelle montre que Netflix croit toujours fondamentalement à la valeur du cinéma en salle », a-t-elle déclaré. Elle estime que Netflix, après avoir observé les erreurs de Disney, pourrait revenir à un modèle hybride qui combine à la fois les sorties en salle et les distributions en ligne, tout en veillant à maintenir une rentabilité pour les deux formats.
Elle a ajouté : « Le message de Netflix à travers ce rachat est en fait très clair : l’exploitation en salle reste un pilier stratégique » et a expliqué que le groupe pourrait bien constater, à l’instar de Disney, l’importance de l’exploitation en salle, même pour une plateforme comme Netflix.
Lors de la première européenne de Avatar: Fire and Ash à Paris, James Cameron a salué l’engagement culturel unique de la France envers le cinéma. « Nous devons honorer la nation qui compte le plus de cinéphiles par habitant dans le monde », a-t-il déclaré. Le réalisateur a aussi rappelé : « Ce que j’aime en France, c’est que dans ce pays il existe une obligation morale de soutenir les arts », des propos qui résonnent particulièrement dans le contexte actuel de la transformation du marché.
Les mois à venir seront décisifs pour déterminer si la France parviendra à préserver son modèle de distribution unique ou si elle sera contrainte d’accepter un changement radical dans la manière dont les films seront diffusés à l’échelle mondiale.





