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[CRITIQUE] Les Opportunistes, du foie gras vendu comme du pâté

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Synopsis : Près du Lac de Côme en Italie. Les familles de la richissime Carla Bernaschi et de Dino Robelli, agent immobilier au bord de la faillite, sont liées par une même obsession : l’argent. Un accident la veille de Noël va brutalement changer leurs destins.


Ce synopsis particulièrement peu attrayant cache en fait une adaptation du livre « Capital Humain », roman réaliste de l’américain Stephen Amidon dont l’action a été transposée en Italie.

Avec un titre qui sonne comme une mauvaise comédie des années 90 avec Eli Sémoun, Les Opportunistes part avec un handicap. Pourquoi avoir opté pour un titre aussi insipide et vide, alors que le titre original est tellement beau et chargé de sens ? Les voies du marketing sont impénétrables… Il y aussi cette effroyable affiche : le titre orné d’un code barre au dessous duquel pose la famille Adams version encartés UMP.

Autant dire que pour attirer le chaland en salle, ce n’est pas gagné. Je dois avouer que moi même, j’ai un peu traîné mes chaussures de pauvre jusqu’à la projection.

A cela s’ajoute une esthétique particulièrement peu attrayante : la photographie du film manque de grain et de personnalité. L’image est servie brute et tend a desservir le propos : décors, perspectives et personnages sont aplatis par le traitement « réaliste » de l’image. C’est d’autant plus dommageable que la réalisation n’adopte absolument pas le style caméra reportage. Cette image crue ne semble donc se justifier que par un hypothétique manque de moyen. L’impression qu’il s’agit d’un film frisant non aboutit s’installe donc.

Mais pas pour longtemps. Oh non !

Très rapidement le scénario prend son envol. Les apparats dépouillés du film sont alors rapidement oubliés et le spectateur est happé dans une chronique sociale de haute volée. Non, ne fuyez pas, aucun rapport avec les frères Dardenne, ni avec Mais qu’est-ce qu’on à fait au bon Dieu ? (sic).

Capital Humain (Les Opportunistes donc…) est un solide film choral où trois destins se croisent et s’entrechoquent. Ce choix narratif permet l’analyse d’une société présentée comme détestable (à ce stade, il serait avisé de parler de coloscopie). Ainsi, le réalisateur Paolo Virzi, va prendre la température de trois couches de la population – trois classes sociales.

Tout d’abord, les Bernaschi qui représentent les riches : ils vivent dans une opulence vulgaire, dominant le reste du monde dans une immense villa au sommet d’une colline. Le scénario s’intéresse ici au personnage de Carla, négligée par son mari, obsédé par le « business ». Pire, il la traite comme un meuble, une gourdasse avec une paire de nibards et un vagin. Carla est l’incarnation même de la vacuité, elle s’ennuie et passe ses journées à tenter de donner un sens à sa vie shopping, « bonnes œuvres… ». Accessoirement, liens sociaux qu’elle entretien semblent fragiles et superficiels. Chez les riches, l’Humain apparaît clairement comme un parasite, une malfonction du capitalisme.

La classe moyenne n’est pas plus glorieuse : frappée par la crise, Dino tente de survivre en s’incrustant dans le cercle privilégié des Bernaschi. Avec son look de vieux beau, ses blagues pas drôles et ses gesticulations ridicules, il a l’air d’un papier gras à côté d’une poubelle. Sa vulgarité de petit parvenu qui crève d’envie de rejoindre la haute en fait un personnage qui semble tout droit sorti d’une pièce de Molière. Si l’on ressent de l’empathie pour cet homme frappé de plein fouet par la crise, il apparaît très rapidement comme un bouffon, lâche et vénal. On rit, mais on grince des dents.

Enfin le prolétariat n’est quand à lui qu’évoqué rapidement : il ne jouit pas d’un segment à part entière. Il est la menace insidieuse et omniprésente : une bande de pouilleux méprisée par les classes sociales supérieures. Ce sont les pestiférés qu’on aimerait oublier parce qu’ils nous rappellent que la chute est possible. Ils prennent ici les traits de Luca – un jeune ‘délinquant’ – et de son oncle que fréquente Serena, la fille de Dino. Là aussi la couardise et la bêtise crasse règnent.

Le portrait dressé par le film est impitoyable. On observe des classes sociales imperméables, peuplées de créatures veules, esclaves de l’argent et du profit. Tous s’accrochent péniblement à leurs résidus d’Humanité. Pour autant, le regard du cinéaste n’est pas fataliste, car au milieu de la tourmente générée par les adultes, les enfants brisent les codes. Si certains sont présentés comme déjà foutus, car racistes et bourrés de préjugés, les trois jeunes – véritables héros du film (dont une seule à un segment à part entière) – semblent évoluer entre les frontières sociales cultivées par leurs parents. Paumés, ils ne gouttent pas aux gesticulations vénales de leurs parents et un choix s’offre à eux. Vont-ils marcher dans les pas de leurs aînés ? L’espoir est permis.

A ce niveau d’analyse, Les Opportunistes ressemble plus à une fresque sociale qu’à une chronique. Les Rougon-Macquart de Zola, adaptés au XXIe siècle du capitalisme ? Et pourquoi pas.

Occultez le titre et l’affiche et allez vous faire un avis sur cette belle surprise.

Réalisé par Paolo Virzì, Les Opportunistes est attendu dans nos salles pour le 19 novembre 2014 avec Valeria Bruni Tedeschi, Fabrizio Bentivoglio, Valeria Golino, Fabrizio Gifuni, Matilde Gioli, Guglielmo Pinelli, Giovanni Anzaldo et Luigi Lo Cascio.

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Colin
Colin
Chroniqueur graphique névrosé, passionné de cinéma de bourrinage vidéo-ludique et de Russ Meyer.

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