Avec Warner Bros sous Netflix, le cinéma, les franchises DC et HBO pourraient changer profondément dans les années à venir.
Après l’annonce du rachat de Warner Bros Discovery par Netflix, la contre-offensive de Paramount, les débats politiques aux États-Unis, puis les inquiétudes exprimées par les exploitants américains et français, le secteur tente désormais de projeter les effets concrets de cette opération. Les précédents épisodes ont posé un cadre tendu qui mêle concurrence régulation salles et plateformes.
Les films Warner garantis jusqu’en 2029
Dans l’immédiat, une certitude rassure partiellement les exploitants. Les sorties cinéma de Warner Bros restent garanties sur plusieurs années. L’analyste Alicia Reese rappelle cet élément clé (via CNBC). ‘Le calendrier des sorties en salle a déjà été négocié jusqu’en 2029. Tout acquéreur devra donc respecter ces contrats en projetant les films Warner Bros en salles au moins pour les quatre prochaines années‘. Cette contrainte limite les changements brusques à court terme.
Au-delà de cet horizon, le modèle de diffusion soulève davantage d’interrogations. Netflix ne suit pas historiquement les règles classiques de l’exploitation cinéma. Shawn Robbins, directeur de l’analyse chez Fandango et fondateur de Box Office Theory, résume le malaise. ‘Ce n’est un secret pour personne que c’était sans doute le scénario le moins souhaité pour de nombreux exploitants. Cette journée compte parmi les plus marquantes de l’histoire du secteur, mais elle peut aussi servir le cinéma si Netflix respecte ses premières indications et préserve le modèle salle propre aux titres Warner Bros‘.
Les organisations professionnelles adoptent un ton plus ferme. Cinema United a réagi rapidement par la voix de son directeur général Michael O’Leary. ‘Le projet de rachat de Warner Bros par Netflix représente une menace sans précédent pour l’exploitation cinéma mondiale‘. Il précise aussi ‘l’impact négatif toucherait aussi bien les grands circuits que les salles indépendantes dans les petites villes aux États-Unis comme ailleurs‘. Il insiste sur l’incompatibilité des approches. ‘Le modèle affiché de Netflix ne soutient pas l’exploitation en salle. En réalité il suit la logique inverse‘.
Les exploitants redoutent surtout une baisse du nombre de films proposés chaque année au public. Plusieurs opérateurs évoquent un risque direct sur les recettes billetterie. Michael O’Leary estime même ‘cet accord pourrait retirer jusqu’à un quart du box-office national annuel‘. Il ajoute ‘nous actionnons tous les leviers possibles afin que les autorités compétentes examinent de près un projet dont l’impact menace la viabilité durable des salles‘.
L’avenir du catalogue Warner face à Netflix
Le catalogue Warner, incluant des films comme Le Magicien d’Oz, Citizen Kane ou Casablanca, constitue un pilier pour les projections éducatives et patrimoniales. Les exploitants s’inquiètent : ‘Warner Bros a toujours permis aux cinémas français de diffuser des films emblématiques pour l’éducation des jeunes, et maintenant avec Netflix, nous ne savons pas si cette tradition se poursuivra.‘
HBO et HBO Max devraient continuer à exister initialement comme entités séparées, mais leur avenir est incertain. Netflix pourrait progressivement intégrer le contenu HBO dans sa plateforme, transformant le réseau en un composant numérique plutôt qu’en chaîne linéaire. Les chaînes comme Adult Swim ou Cartoon Network risquent d’être réduites ou fermées. La plateforme au N rouge pourrait juger ces réseaux redondants par rapport à sa plateforme. Les contenus et licences de ces chaînes seraient probablement exploités via le streaming, tandis que les infrastructures linéaires pourraient disparaître pour réduire les coûts.
DC Comics représente un enjeu stratégique pour Netflix. La société pourrait continuer à produire et publier les bandes dessinées tout en développant des adaptations internes pour le cinéma et le streaming via DC Studios. Les franchises comme Batman, Superman, Wonder Woman ou la Justice League donnent la possibilité de créer de nouvelles séries et films dérivés, tout en exploitant les univers narratifs existants pour des crossover. Un crossover avec Eleven de Stranger Things avec les héros DC devient possible. Netflix pourrait ainsi consolider ces licences, produire du contenu exclusif et étendre la portée de DC à travers le merchandising et les expériences interactives.
Avec l’acquisition de Warner Bros, Netflix récupère les studios NetherRealm, Rocksteady et TT Games. Ces studios permettent d’intégrer des titres tels que Mortal Kombat, les jeux Batman Arkham ou les jeux LEGO dans l’offre de la plateforme Netflix Games. Netflix pourrait proposer ces jeux directement à ses abonnés et développer de nouveaux contenus inspirés des franchises Warner et DC. L’entreprise pourrait également créer des expériences interactives liées aux films et séries, tout en rationalisant les coûts en restructurant ou en abandonnant les studios moins performants, comme Rocksteady en cas d’échec commercial.
Le rachat de Warner Bros par Netflix ouvre une période de transition complexe pour le cinéma, les chaînes câblées, les classiques et les jeux vidéo. À court terme, les contrats existants assurent une stabilité relative, mais le moyen terme dépendra des décisions économiques de Netflix et du suivi des autorités de régulation. Sur le long terme, salles, plateformes et créateurs devront redéfinir leur place dans un secteur profondément réorganisé. La dernière sortie de Ted Sarandos, co-CEO de Netflix, sonne comme une ultime provocation :
‘Barbie et Oppenheimer auraient eu le même succès sur Netflix. Il n’y a aucune raison de croire que le film lui-même soit meilleur sur un grand écran pour tout le monde. Mon fils est monteur, il a regardé Lawrence d’Arabie sur son téléphone.‘
Ces propos inaugurent rien de bon pour la suite, Netflix se moque clairement de l’art et de la culture et ne respecte pas l’expérience traditionnelle en salles.
