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[CRITIQUE] L’Empereur du Nord : Un train pour Ubu roi

Édité en Blu-Ray chez Wild Side depuis le 7 juin de cette année – dans un fort bel écrin au passage –, l’Empereur du Nord de Robert Alrich s’offre une redécouverte qui à l’aune de nos années 2000 n’a rien perdu de sa force contestataire.

Majoritairement connu pour ses Douze Salopards, Robert Aldrich – malgré une carrière en dents de scie – s’est toujours imposé comme un cinéaste majeur des années 60 / 70. Tout au long de sa filmographie, l’homme n’aura eu de cesse de fustiger les affres et incohérences des institutions. Sortie en 1973, l’Empereur du Nord sera certainement l’itération la plus rentre-dedans de ses idées. Véritable ode à la liberté mais aussi à la défiance de l’ordre établi.

Octobre 1933, Oregon, pendant la grande dépression : Alors que la misère s’abat sur les État-Unis, l’histoire s’articule autour de la figure du « hobo ». Ces vagabonds qui voyagent de ville en ville, à la recherche de travail et d’un peu de liberté. Les plus téméraires d’entre-eux redoublent d’inventivité pour voyager illégalement à bord des trains parcourant le pays. L’un d’eux, A No. 1, une véritable légende, relève le défi de parcourir la convoitée ligne 19. Mais c’est sans compter sur le contrôleur Shack, brute sanguinaire et sadique veillant sur son train avec une cruauté sans limite.

Un duel au sommet pour Lee Marvin et Ernest Borgnine – campant respectivement A No. 1 et Shack, deux illustres figures pour symboliser le clivage entre deux états d’esprits diamétralement opposés. D’un coté, Shack – transfiguré par un Borgnine cartoonesque mais absolument terrifiant – symbole passéiste des dogmes et des institutions. Sa locomotive est une forteresse que seul ceux respectant les règles – avoir payé un ticket – peuvent emprunter. Il est l’incarnation d’un monde cruel, replié sur lui-même et parfois injuste. Face à lui, A No. 1, roublard certes, mais surtout, profondément épris de liberté. C’est avec une classe folle que Lee Marvin (Liberty Valance, Au-Delà de la Gloire…) incarne cette défiance et cet esprit révolutionnaire. Pas de loi ni de contrainte pour lui – si ce n’est celle de faire preuve d’ingéniosité. Au milieu d’eux, une nouvelle génération. Cigaret, un jeune « hobo » – interprété par Keith Carradine – désireux de se faire un nom sera le symbole d’un monde changeant. Lâche et égoïste, ce jeune loup aux dents longues rêvera de gloire et de liberté mais sera incapable des sacrifices nécessaires à leur obtention. Le final n’aura que peu de mystère quand à la vision pessimiste d’Aldrich : « Ce monde n’est pas pour toi. » lancera A No. 1 à Cigaret, intronisant dès lors le vagabond comme l’unique garant d’un état d’esprit libertaire honorifique.

Alors métaphore sur la crise socio-économique ? Sur l’industrie cinématographique dévolue aux requins de la finance plus qu’aux artistes ? En connaissant l’esprit contestataire d’Aldrich, l’on pourrait dire, un peu tout ça.

Mais avant de devenir ce pamphlet désabusé sur l’honneur et les velléités du rêve américain, L’Empereur du Nord n’en est pas moins un formidable film d’aventure. Librement inspiré de From Coast To Coast With Jack London de Leon Livingston, le réalisateur tire parti du contexte de son histoire. Incluant foultitude de détails – historiquement vrais – Aldrich fait preuve de ludisme afin de multiplier les péripéties. On verra ainsi comment profiter de la brume pour se hisser à l’insu des regards sur un train en marche, comment se faufiler et s’installer sous les wagons, ou comment déloger des passagers clandestins à l’aide d’une corde et d’un piton. Les situations s’enchaînent sans jamais se ressembler et passionnent tout en chargeant l’atmosphère d’une violence inéluctable. Les décors de l’Oregon servent habilement le cadre sauvage de l’histoire : cet habile jeu du chat et de la souris culminera dans un combat final à l’intensité disproportionné. Relevé par la présence animale de ses interprètes, cet affrontement mano-à-mano n’aura rien à envier aux plus grands westerns. À l’issue de ce dernier, le titre d’Empereur du Nord. Consécration ubuesque puisque basée sur une blague. Une manière de dire que le vainqueur régnera sur le pôle-nord. Autrement dit, sur rien.

Dois-je l’intégrer à ma vidéothèque ?

Mettant les petits plats dans les grands pour cette ré-édition, Wild Side propose un véritable objet de collection. Profitant d’une restauration HD de fort belle facture, le film est proposé dans un combo DVD + Blu-Ray à l’illustration magnifique.

En complément on trouvera un entretien de 30 minutes avec Christopher Knopf, le scénariste du film.

Mais c’est l’admirable livret de 86 pages – illustré par des photos de tournage rares – qui rend cette édition indispensable. Écrit par Doug Headline – co-fondateur de Starfix – cet album se révélera riche en éléments. Que ce soit le contexte de l’histoire ou l’analyse de la figure du « hobo », tout est passé au crible pour s’imprégner de la meilleure façon de l’univers du film. Enfin de nombreuses anecdotes et informations quant à la création et au tournage viendront enrichir le visionnage de ce dernier.

Aucune raison de se priver donc.

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Quentin
Quentin
Vidéaste compulsif et cinéphile pointilleux. Croit fort aux pouvoirs évocateurs des mythes cinématographique. L’étude des monstres, des freaks, des extra-terrestres et des super-slips n'est plus un secret pour lui.

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