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Parlons #Crowdfunding : Les doux rêveurs

Après une parenthèse (les boxes et la chat-nne-à-pêche) revenons le temps d’un article sur ces porteurs de projets qui peuplent les sites de crowdfunding.

Alors oui, c’est encore du Kickstarter. Mais c’est sur cette plateforme que l’on trouve les projets les plus fous, les plus ambitieux, les plus internationaux… et au moins, on ne subit pas ces maudits hippies qui tentent par tous les moyens de se faire financer leur tour du monde à pédale. Après les bonimenteurs, voici venir les doux rêveurs.

I had a dream

Non loin de la galaxie des shootés aux superlatifs, se trouve celle des doux rêveurs. Beaucoup moins agressifs dans le propos, ils n’ont absolument pas les pieds sur terre. Ils s’imaginent que des inconnus sont prêts à leur ouvrir leur porte-monnaie en se fiant tout simplement à leur bonn(s) intention(s). Le plus souvent, le doux rêveur n’est pas un entrepreneur – on ne le trouvera pas dans la section technologie, innovation ou autre des plateformes – c’est un « artiste ». Ou tout au moins en est-il persuadé, probablement poussé par la téléréalité à penser que chacun peut devenir une star sans effort. Parfois, la disproportion entre le propos, le but recherché et la réalité, atteint de telles dimensions qu’elle prête à rire. Ou à grincer des dents.
Afin d’éviter de (trop) tirer sur l’ambulance, évoquons rapidement deux projets :

Ce que Besson n’arrive pas à faire, je le ferai

French Movie About a Real Love Story in Paris, est un projet de long métrage visant à concurrencer le cinéma américain par l’équipe responsable du court « Taken 4 » (sic). Pour remplir son objectif de financement, Tonio (c’est le surnom du porteur de projet comme il l’explique en introduction) nous dévoile son plan infaillible :

« Pour se mesurer aux grandes Majors d’Hollywood il faut produire un film d’une grande profondeur émotionnelle et filmer des scènes à travers des plans atypiques. Mon projet est donc de collecter un maximum de fonds pour pouvoir investir dans le matériel et dans la réalisation d’un long métrage inspiré d’une histoire vraie. Ce film sera d’abord diffusé en France, puis à l’échelle Internationale. Ce long métrage est important à mes yeux car il représente la vision d’une nouvelle génération d’acteurs et de réalisateurs très talentueux. »

Tonio a de l’ambition et porte son rêve à bout de bras. Sa note d’intention le confirme :

« […] Imaginez un film entremêlé d’amour et d’action, un film tourné entre la Côte d’Azur et Paris, un film qui vous fera rire et pleurer…

Un film dont les tabous et les préjugés sur l’amour sont remis en question.

Nous avons l’ambition de rendre fiers les Français. L’objectif est de s’introduire dans le cœur des gens de toutes nationalités en interprétant ce film dans plusieurs langues et en s’imposant dans l’Industrie Cinématographique Internationale. »

Le hic, c’est que le rêve de Tonio n’est pas partagé. A sa clôture, le projet n’a obtenu qu’un seul et unique don de… 2€. Ce qui veut dire que même la famille et les potes de Tonio – ceux-la même qui n’ont pas osé lui dire qu’il visait un peu haut – n’ont pas soutenu son initiative.

Onteniente peu ranger son camping

Même douloureux constat pour Aurélien Michel et son projet de film comique dans un camping car.

« Aurél, la trentaine, viens de gagner un camping car grâce à un jeu à la radio, une fois le véhicule livré, il n’a qu’une envie, quitter la maison de ses parents dans sa campagne profonde et rejoindre la côte d’azur [tiens, encore la côte d’azur NdR] pour devenir quelqu’un d’important. Son aventure ne s’annonce pas aussi facile qu’il avait prévu. »

S’il semble convaincu d’être capable de faire un film culte dont « l’humour […] se fera sur les comiques de mots, de gestes, de situations et de caractères », pour l’heure personne n’a cru en son projet. Entre l’infâme montage photo qui nous accueille sur sa page et la déconnection totale avec la réalité, il n’est pas étonnant que le ce film de camping car ne rencontre pas le succès attendu.

Douche froide !

Pourquoi ces deux fours ? A mon sens deux pistes de réflexions mériteraient d’être évoquées : le comment et l’objectif fixé.

Tout d’abord, les deux projets sont parfaitement approximatifs. Il n’y a que de vagues intentions de faire des chefs d’œuvre, mais aucun des moyens envisagés pour atteindre ces buts ne sont étayés. Aucun objectif concret, aucun plan d’action ni de financement, rien n’est là pour convaincre le donateur potentiel du sérieux des projets. De plus le vocabulaire utilisé est imprécis et laisse entrevoir une absence de maîtrise du sujet et de ses contraintes (ici le cinéma).

Ensuite, et c’est un corolaire de noter première piste : les objectifs fixés sont irréalistes et irréalisables. Les deux projets n’apportent jamais de tangibilité à leurs buts. Ils prétendent concurrencer l’industrie américaine pour l’un, créer un film culte pour l’autre, mais sans jamais nous prouver qu’ils en ont les épaules. Pire, la rédaction des projets, et les rares documents qui les accompagnent laissent plutôt penser le contraire. Ils rêvent à des succès hollywoodiens sans s’en donner ni le temps ni les moyens, ce qui annihile toute crédibilité.

Ils voudraient que nous croyions en eux, et pourtant ils se fixent comme objectif de décrocher la lune sans nous expliquer comment ils vont s’y prendre. Résultat : un projet financé à hauteur de 2 € sur les 50 000 demandés et un second qui prend la même voie.

Finalement, encore une façon (douloureuse celle-là) de constater que le crowdfunding n’est pas une révolution. En effet le financement participatif n’est qu’un glissement de l’existant : cela permet à l’entrepreneur doué d’atteindre plus vite son public et de lui faire porter le risque financier.

Les doux rêveurs ne réaliseront pas leurs rêves comme par magie. Il leur faudra se plier à la loi du marché ou s’incliner.

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Colin
Colin
Chroniqueur graphique névrosé, passionné de cinéma de bourrinage vidéo-ludique et de Russ Meyer.

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