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Parlons #Crowdfunding : Les bonimenteurs

Nous l’avons déjà évoqué, il n’y a pas de recette magique pour réussir sa campagne de financement participatif. Pour autant, cela ne veut pas dire qu’il n’y a pas de méthode pour mettre le plus de chance de son côté.

Pour commencer, il faut avoir une idée. De préférence une bonne idée, de celles qui permettent à l’internaute incapable de concentrer son attention sur la même chose plus d’une seconde de se dire « putain, mais c’est génial ! Pourquoi j’y ai pas pensé avant ? Tiens, voilà mon argent que j’ai gagné à la sueur de mon fion. »

Super(re)latifs Américains

Par un effet de domino pervers, la plateforme de crowdfunding Kickstarter cultive l’usage outrancier du superlatif : plus il y a de projets, plus difficile il est de se distinguer. Alors dans l’intention illusoire d’écraser la concurrence, Kickstarter regorge de projets qui se targuent d’être « le meilleur… », « le plus grand… », « le premier… », « le seul » ou même « après ça vous n’aurez plus jamais besoin de… ». Regardons-y d’un peu plus près : « BRO ball : La première enceinte bluetooth au monde dans un ballon de football », « Pooch Selfie : la meilleure façon de prendre des selfies avec votre chien », « Karlita, la poignée à bouteille ultime » ou encore « TRES, le vide poche ultime pour votre ford focus » (tu parles d’un marché de niche !).

Ce que ces superlatifs cachent, ce sont surtout de fausses bonnes idées, des concepts sortis tout droit du cerveau de Géo Trouvetou (l’inventeur dingue de Picsou) – voire de Gaston Lagaffe – ou des gadgets ayant fait long feu. Sérieusement, qui a besoin d’attacher une balle de tennis à son smartphone pour faire un selfie avec son clébard ? Ça ne fera pas sourire Médor et avec un peu de chance ça va même lui titiller le réflexe animalier dit « de la baballe », entrainant l’ingestion dudit portable par le Médor en question.

L’overdose de superlatif tend donc à avoir l’effet inverse et, noyé dans la masse d’inutiles bibelots, il vide de son sens l’intention méliorative. Est-ce que j’ai vraiment envie de cliquer sur ce projet prétentieux qui se vante (encore) d’être le seul et l’unique meilleur au monde ? Vraiment pas. J’ai plutôt l’impression qu’on essaie de me forcer à avaler une camelote dont je n’ai aucun besoin.

Peut-être cet usage maladif du superlatif est-il dû à la présence majoritaire de porteurs de projets américains – dont la culture chauvine pousse à tout qualifier comparativement. A moins qu’il ne s’agisse d’une conséquence de notre société de la sur-communication et de la sur-compétitivité : en criant le plus fort je vais prouver au reste du monde mon génie.

Hippies européens

De l’autre côté de l’océan, en Europe (kiss kiss bank bank et ulule) l’usage de superlatifs est beaucoup plus raisonnable que sur la plateforme américain. En fait, il est même rare. Les porteurs de projet seraient-il globalement moins prétentieux ? Auraient-ils moins besoin de camoufler leurs idées tièdes derrière une brûlante diarrhée verbale ?

Non. L’expression est simplement différente. En effet les plateformes européennes (qui par ailleurs se vantent toutes les deux d’être « la plus… » en Europe) attirent elles aussi leurs lots de projets bricolés voir complètement foireux. Cependant, le lexique utilisé oscillera plutôt entre « innovation » et « originalité », voire les deux (cf. cet énième projet de prêt à porter innovant et original qui n’est, surprise !, ni l’un ni l’autre).

Par chez nous, les trolls du financement participatif portent un sarouel et veulent faire le tour du monde en espadrilles. Contrairement à la plateforme américaine qui interdit et veille à ce qu’aucun projet personnel ne soit proposé, KKBB et Ulule regorgent de « projets de découverte du monde » et autre délires de partage culturel.

Un faux projet bidon est vaguement expliqué (découvrir et faire découvrir d’autre culture) et donne le droit à des contreparties fumeuses (recevez une carte postale) Et hop ! ni vu ni connu je t’enfume, et voila les hippies qui envahissent le financement participatif pour se faire financer leurs vacances d’un an à trainer leurs savates bio équitables sur des plages de sable fin pendant que des cons travaillent pour financer leur « trip ».

Potions miracles

C’est donc sans surprise que le crowdfunding est envahi de bonimenteurs et opportunistes de tous poils. Qu’ils soient en costumes ou en tunique deux places, ils ne sont pas si éloignés de ces personnages de western, qui, à l’arrière d’une roulotte, tentaient de convaincre une assistance crédule d’acheter remède miracle contre la chtouille. Le financement participatif, c’est aussi l’art d’enfumer son auditoire pour lui refourguer une camelote.

Alors, en 2015 le crowdfunding serait-il devenu le nouveau repère des scammeurs? C’est mon avis. Mais cela rend encore plus jouissif la recherche de ces petites perles du financement participatif. Dernier coup de cœur : le RiutBag, le sac à dos inversé que je vous laisse découvrir.

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Colin
Colin
Chroniqueur graphique névrosé, passionné de cinéma de bourrinage vidéo-ludique et de Russ Meyer.

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